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ne paraissait plus qu’une barrière noire étendue le long des rives du fleuve.

Dès que Cora et Alice furent assises, le chasseur fit signe au major d’entrer comme lui dans la rivière, et chacun d’eux poussant un côté de la barque fragile, ils la firent remonter contre le courant, suivis par le propriétaire consterné du poulain mort. Ils avancèrent ainsi quelque temps dans un silence qui n’était interrompu que par le murmure des eaux et le léger bruit que faisait la nacelle en les fendant. Le major ne faisait rien que d’après les signes de son guide, qui tantôt se rapprochait du rivage, tantôt s’en éloignait, suivant qu’il voulait éviter des endroits où l’eau était trop basse pour que la nacelle pût y passer, où trop profonde pour qu’un homme pût y marcher sans risquer d’être entraîné. De temps en temps il s’arrêtait, et au milieu du silence profond que le bruit croissant de la chute d’eau rendait encore plus solennel, il écoutait avec attention si nul son ne sortait des forêts endormies. Quand il s’était assuré que tout était tranquille, et que ses sens exercés ne lui rapportaient aucun indice de l’approche des ennemis qu’il craignait, il se remettait en marche lentement et avec précaution.

Enfin, ils arrivèrent à un endroit où l’œil toujours aux aguets du major découvrit à peu de distance un groupe d’objets noirs, sur un point où la hauteur de la rive ensevelissait la rivière dans une obscurité profonde. Ne sachant s’il devait avancer, il montra du doigt à son compagnon l’objet qui l’inquiétait.

— Oui, oui, dit le chasseur avec calme : les Indiens ont caché les animaux avec leur jugement naturel. L’eau ne garde aucune trace du passage, et l’obscurité d’un tel trou rendrait aveugle un hibou.

Ils ne tardèrent pas à arriver à ce point, et toute la troupe se trouvant réunie, une autre consultation eut lieu entre le chasseur et les deux Mohicans. Pendant ce temps, ceux dont la destinée dépendait de la bonne foi et de l’intelligence de ces habitants des bois, eurent le loisir d’examiner leur situation plus en détail.

La rivière était resserrée en cet endroit entre des rochers escarpés, et la cime de l’un d’eux s’avançait jusqu’au-dessus du point où le canot était arrêté. Tous ces rochers étant couverts de grands arbres, on aurait dit qu’elle coulait sous une voûte, ou dans un ravin étroit et profond. Tout l’espace situé entre ces rochers cou-