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cier français lui-même paraissait profondément touché de la mort violente et prématurée d’une femme si aimable. Mais lorsque les dernières femmes de la tribu eurent pris les places qui leur étaient assignées dans le cortège funèbre, les hommes des Lenapes rétrécirent leur cercle, et se groupèrent de nouveau autour d’Uncas, aussi immobiles, aussi silencieux qu’auparavant.

L’endroit fixé pour la sépulture de Cora était une petite colline, où un bouquet de pins jeunes et vigoureux avait pris racine et formait une ombre lugubre et convenable pour un tombeau. En y arrivant, les jeunes filles déposèrent leur fardeau, et avec la patience caractéristique des Indiennes, et la timidité de leur âge, elles attendirent qu’un des amis de Cora leur donnât l’encouragement d’usage. Enfin le chasseur, qui seul était au fait de leurs cérémonies, leur dit en langue delaware :

— Ce que mes filles ont fait est bien, et les hommes blancs les en remercient.

Satisfaites de ce témoignage d’approbation, les jeunes filles déposèrent le corps de Cora dans une espèce de bière faite d’écorce de bouleau avec beaucoup d’adresse, et même avec une certaine élégance, et elles la descendirent ensuite dans son obscure et dernière demeure. La cérémonie ordinaire de couvrir la terre fraîchement remuée avec des feuilles et des branchages fut accomplie avec les mêmes formes simples et silencieuses. Lorsqu’elles eurent rempli ce dernier et triste devoir, les jeunes filles s’arrêtèrent, ne sachant si elles devaient continuer à procéder suivant les rites de leur tribu ; alors le chasseur prit de nouveau la parole :

— Mes jeunes femmes en ont fait assez, dit-il ; l’esprit d’un blanc n’a besoin ni de vêtements ni de nourriture. Mais, ajouta-t-il en jetant les yeux sur David qui venait d’ouvrir son livre et se disposait à entonner un chant sacré, je vais laisser parler celui qui connaît mieux que moi les usages des chrétiens.

Les femmes se retirèrent modestement de côté, et après avoir joué le premier rôle dans cette triste scène, elles en devinrent les simples et attentives spectatrices. Pendant tout le temps que durèrent les pieuses prières de David, il ne leur échappa ni un regard de surprise ni un signe d’impatience. Elles écoutaient comme si elles avaient compris les mots qu’il prononçait, et paraissaient aussi émues que si elles eussent ressenti la douleur, l’espérance et la résignation qu’ils étaient faits pour inspirer.