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et Cora mèneraient dans les bois bienheureux, il secoua la tête comme un homme qui connaissait l’erreur de leur simple croyance, et il la laissa retomber jusqu’à ce que la lugubre cérémonie fût terminée. Heureusement pour Heyward et Munro ils ne comprenaient pas le sens des paroles sauvages qui frappaient leurs oreilles et qui auraient renouvelé leur douleur.

Chingachgook seul faisait exception au vif intérêt témoigné par les Delawares ; son regard fixe ne s’était point détourné une seule fois, et même dans les moments les plus pathétiques des lamentations, aucun muscle de ses traits n’avait trahi la moindre émotion. Les restes froids et insensibles de son fils étaient tout pour lui, et hors celui de la vue, tous ses sens paraissaient glacés ; il ne semblait plus vivre que pour contempler ces traits qu’il avait tant aimés, et qui bientôt lui seraient enlevés pour toujours.

En ce moment des obsèques funéraires, un homme d’une contenance grave et sévère, guerrier renommé pour ses faits d’armes, et particulièrement pour les services qu’il avait rendus dans le dernier combat, s’avança lentement du milieu de la foule, et se plaça près des restes d’Uncas.

— Pourquoi nous as-tu quittés, orgueil du Wapanachki ? dit-il en s’adressant au jeune guerrier, comme si ses restes inanimés pouvaient l’entendre encore ; ta vie n’a duré qu’un instant, mais ta gloire a été plus brillante que les feux du soleil ; tu es parti, jeune vainqueur ; mais cent Wyandots t’ont devancé dans le sentier qui mène au monde des Esprits, et t’ont frayé le passage au milieu des ronces. Quel est celui qui, t’ayant vu au milieu d’une bataille, aurait pu croire que tu pouvais mourir ? Qui, avant toi, avait jamais montré à Utsawa le chemin du combat ? Tes pieds ressemblaient aux ailes de l’aigle, ton bras était plus pesant que les hautes branches qui tombent du sommet du pin, et ta voix était comme celle du Manitou lorsqu’il parle du sein des nuages. Les paroles d’Utsawa sont bien faibles, ajouta-t-il tristement, et son cœur est percé de douleur ; orgueil du Wapanachki, pourquoi nous as-tu quittés ?

À Utsawa succédèrent plusieurs autres guerriers, jusqu’à ce que tous les premiers chefs de la nation eussent payé leur tribut de louanges à la mémoire de leur frère d’armes ; ensuite le plus profond silence recommença à régner.

En ce moment on entendit un murmure sourd et léger comme celui d’une musique éloignée. Les sons en étaient si incertains qu’à