Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bataille au tonnerre du Manitou. Elle lui rappela la mère qui l’avait conçu, et s’étendit sur le bonheur qu’elle devait éprouver d’avoir un tel fils ; elle le chargea de lui dire, lorsqu’il la rencontrerait dans le monde des Esprits, que les filles delawares avaient versé des larmes sur le tombeau de son fils, et l’avaient appelée bienheureuse[1].

D’autres lui succédèrent alors, et donnant au son de leur voix encore plus de douceur, avec ce sentiment de délicatesse propre à leur sexe, elles firent allusion à la jeune étrangère ravie à la terre en même temps que le jeune héros, le grand Esprit montrant par là que sa volonté était qu’ils fussent à jamais réunis. Ils l’invitèrent à se montrer doux et bienveillant pour elle, et de l’excuser si elle ignorait ces notions essentielles que personne n’avait pris soin de lui inculquer, si elle n’était pas au fait de ces services qu’un guerrier tel que lui était en droit d’attendre d’elle. Elles s’étendirent sur sa beauté incomparable, et sur son noble courage, sans qu’aucun sentiment d’envie se glissât dans leurs chants ; et elles ajoutèrent que ses hautes qualités suppléaient suffisamment à ce qui avait pu manquer à son éducation.

Après elles, d’autres tour à tour s’adressèrent directement à la jeune étrangère ; leurs accents étaient ceux de la tendresse et de l’amour. Elles l’exhortaient à se rassurer, et à ne rien craindre pour son bonheur à venir. Un chasseur serait son compagnon, qui saurait pourvoir à ses moindres besoins ; un guerrier veillerait auprès d’elle, qui était en état de la garantir de tous les dangers. Elles lui promirent que son voyage serait paisible et son fardeau léger ; elles l’avertirent de ne pas s’abandonner à des regrets inutiles pour les amis de son enfance et pour les lieux où ses pères avaient demeuré, l’assurant que les bois bienheureux où les Lenapes chassaient après leur mort contenaient des vallées aussi riantes, des sources aussi limpides, des fleurs aussi belles que le ciel des blancs. Elles lui recommandèrent d’être attentive aux besoins de son compagnon, et de ne jamais oublier la distinction que le Manitou avait si sagement établie entre eux.

Alors s’animant tout à coup, elles se réunirent pour chanter les qualités du Mohican. Il était noble, brave et généreux, tout ce qui convenait à un guerrier, tout ce qu’une jeune fille pouvait aimer.

  1. Il est curieux de comparer ce chant de mort avec le coronach du jeune Duncan dans la Dame du Lac.