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après avoir enlevé toutes les chevelures de ses ennemis, et à peine s’était-il donné le temps de faire disparaître les traces de sa mission sanglante, pour se joindre plus tôt aux lamentations de ses concitoyens. L’orgueil et l’enthousiasme avaient fait place à l’humanité, et les plus vives démonstrations de douleur avaient succédé aux acclamations de la vengeance.

Les cabanes étaient désertes ; mais tous ceux que la mort avait épargnés s’étaient rassemblés dans un champ voisin, où ils formaient un cercle immense dans un silence morne et solennel. Quoique d’âge, de rang et de sexe différents, ils éprouvaient tous la même émotion. Tous les yeux étaient fixés sur le centre du cercle, où se trouvaient les objets d’une douleur si vive et si universelle.

Six filles delawares, dont les longues tresses noires flottaient sur leurs épaules, paraissaient à peine avoir le courage de jeter de temps en temps quelques herbes odoriférantes ou des fleurs des forêts sur une litière de plantes aromatiques, où reposait sous un poêle formé à la hâte avec des robes indiennes tout ce qui restait de la noble, de l’ardente et généreuse Cora. Sa taille élégante était cachée sous plusieurs voiles de la même simplicité, et ses traits naguère si charmants étaient dérobés pour toujours aux regards des mortels. À ses pieds était assis le désolé Munro. Sa tête vénérable était courbée jusqu’à terre, en témoignage de la soumission avec laquelle il recevait le coup dont la Providence l’avait frappé ; mais l’expression de la douleur la plus déchirante se lisait sur son front. La Gamme était près de lui ; sa tête était exposée aux rayons du soleil, tandis que ses yeux expressifs se portaient sans cesse de l’ami qu’il lui était si pénible et si difficile de consoler, sur le livre saint qui pouvait seul lui en donner la force et les moyens. Heyward, appuyé contre un arbre à quelques pas de là, s’efforçait de réprimer les élans d’une douleur contre laquelle venait échouer toute sa force de caractère.

Mais quelque triste et quelque mélancolique que fût le groupe que nous venons de représenter, il l’était encore moins que celui qui occupait le côté opposé du cercle. Uncas, assis comme si la vie l’eût encore animé, était paré des ornements les plus magnifiques que la richesse de sa tribu eût pu rassembler. De superbes plumes flottaient sur sa tête, des armes menaçantes étaient encore dans sa main glacée, ses bras et son col étaient ornés d’une pro-