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barbare triomphe, que, ceux qui se battaient dans la vallée à plus de mille pieds au-dessous d’eux l’entendirent, et ne purent en méconnaître la cause. Il fut suivi d’une exclamation terrible qui s’échappa des lèvres du chasseur qui, franchissant les rocs et les ravins, s’avançait vers lui d’un pas aussi rapide, aussi délibéré que si quelque pouvoir invisible le soutenait au milieu de l’air ; mais lorsqu’il arriva sur le théâtre même du massacre, il n’y trouva plus que les cadavres des victimes.

Œil-de-Faucon jeta sur eux un seul regard, et aussitôt son œil perçant se porta sur la montagne qui s’élevait presque perpendiculairement devant lui. Un homme en occupait le sommet ; il avait les bras levés ; son attitude était menaçante. Sans s’arrêter à le considérer, Œil-de-Faucon leva son fusil ; mais un fragment de rocher qui roula sur la tête de l’un des fugitifs qu’il n’avait pas aperçu laissa voir à découvert la personne de l’honnête La Gamme, dont les traits étincelaient d’indignation. Magua sortit alors d’une cavité dans laquelle il s’était enfoncé, et marchant avec une froide indifférence sur le cadavre du dernier de ses compagnons, il franchit d’un saut une large ouverture, et gravit les rochers dans un endroit où le bras de David ne pouvait l’atteindre. Il n’avait plus qu’un élan à prendre pour se trouver de l’autre côté du précipice, et à l’abri de tout danger. Avant de s’élancer, le Huron s’arrêta un instant, et jetant un regard ironique sur le chasseur, il s’écria :

— Les blancs sont des chiens ! les Delawares sont des femmes ! Magua les laisse sur les rocs pour qu’ils servent de pâture aux corbeaux !

À ces mots il poussa un éclat de rire effrayant, et prit un élan terrible ; mais il n’atteignit pas le roc sur lequel il voulait sauter, il retomba, et ses mains s’attachèrent à des broussailles sur le flanc du rocher. Œil-de-Faucon suivait tous ses mouvements, et ses membres étaient agités d’un tel tremblement, que le bout de son fusil à demi levé flottait en l’air comme la feuille agitée par le vent. Sans s’épuiser en efforts inutiles, le Renard-Subtil laissa retomber son corps de toute la longueur de ses bras, et il trouva un fragment de rocher pour poser le pied un instant. Alors, rassemblant toutes ses forces, il renouvela sa tentative, et réussit à amener ses genoux sur le bord de la montagne. Ce fut dans ce moment, lorsque le corps de son ennemi était comme replié sur lui-même, que le chasseur le coucha en joue. Au moment où le