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étendit les bras vers le ciel en disant d’une voix douce, mais pleine de confiance :

— Mon Dieu, je suis à toi ; fais de moi ce qu’il te plaira !

— Femme, répéta Magua d’une voix rauque, choisis !

Mais Cora, dont la figure annonçait la sérénité d’un ange, n’entendit point sa demande, et n’y fit point de réponse. Le Huron tremblait de tous ses membres ; il leva le bras tout à coup, puis il le laissa retomber comme s’il ne savait à quoi se résoudre. Il semblait se passer un combat violent dans son âme ; il leva de nouveau l’arme menaçante ; mais dans cet instant un cri perçant se fit entendre au-dessus de sa tête ; Uncas ne se possédant plus s’élança d’une hauteur prodigieuse sur le bord dangereux où se trouvait son ennemi ; mais au moment où Magua levait les yeux en entendant le cri terrible, un de ses compagnons, profitant de ce mouvement, plongea son couteau dans le sein de la jeune fille.

Le Huron se précipita comme un tigre sur l’ami qui l’offensait et qui déjà s’était retiré ; mais Uncas dans sa chute terrible les sépara et roula aux pieds de Magua. Ce monstre, oubliant alors ses premières idées de vengeance, et rendu plus féroce encore par le meurtre dont il venait d’être témoin, enfonça son arme entre les deux épaules d’Uncas renversé, et il poussa un cri infernal en commettant ce lâche attentat. Mais Uncas trouva encore la force de se relever ; et comme la panthère blessée qui s’élance sur son ennemi, par un dernier effort dans lequel il épuisa tout ce qui lui restait de vigueur, il étendit à ses pieds le meurtrier de Cora, et retomba lui-même sur la terre. Dans cette position, il se retourna vers le Renard-Subtil, lui adressant un regard fier et intrépide, et semblant lui faire entendre ce qu’il ferait si ses forces ne l’avaient pas abandonné. Le féroce Magua saisit par le bras le jeune Mohican incapable d’opposer aucune résistance, et il lui enfonça un couteau dans le sein à trois reprises différentes avant que sa victime, l’œil toujours fixé sur son ennemi avec l’expression du plus profond mépris, tombât morte à ses pieds.

— Grâce ! grâce ! Huron, s’écria Heyward du haut du roc avec une expression déchirante ; aie pitié des autres si tu veux qu’on ait pitié de toi.

Magua vainqueur regarda le jeune guerrier, et lui montrant l’arme fatale toute teinte du sang de ses victimes, il poussa un cri si féroce, si sauvage, et qui en même temps peignait si bien son