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ment de réflexion. Vous n’avez pas de fusil ; croyez-moi, laissez-nous faire ; les Mingos rendront bientôt ce qu’ils ont pris.

— Si je n’ai pas la jactance et la férocité d’un Goliath, répondit David en tirant une fronde de dessous ses vêtements, je n’ai pas oublié l’exemple de l’enfant juif. Dans mon enfance je me suis souvent exercé à manier cette arme ; peut-être n’en ai-je pas encore entièrement perdu l’habitude.

— Ah ! dit Œil-de-Faucon en regardant la fronde et le tablier de peau de daim d’un œil de froideur et de mépris, ce serait bon si nous n’avions à nous défendre que contre des flèches ou même des couteaux ; mais ces Mingos ont été pourvus par les Français d’un bon fusil chacun. Cependant comme vous avez le don, à ce qu’il paraît, de passer au milieu du feu sans qu’il vous arrive rien, et puisque jusqu’à présent vous avez eu le bonheur… Major, pourquoi votre fusil n’est-il pas en arrêt ? Tirer un seul coup avant le temps, ce serait faire fracasser vingt crânes sans nécessité. — Chanteur, vous êtes libre de nous suivre ; vous pourrez nous être utile lorsque nous pousserons le cri de guerre.

— Ami, je vous remercie, répondit David, qui, à l’instar du saint roi dont il était fier de porter le nom, remplissait son tablier de cailloux qui se trouvaient au bord de la rivière, sans avoir beaucoup de propension à tuer personne ; — mon âme aurait été dans l’affliction si vous m’aviez renvoyé.

— N’oubliez pas, ajouta le chasseur en lui lançant un regard expressif, que nous sommes venus ici pour nous battre, et non pour faire de la musique. Songez qu’à l’exception du cri de guerre, lorsque le moment sera venu de le pousser, on ne doit entendre ici d’autre son que celui du fusil.

David exprima par un signe de tête respectueux qu’il acceptait les conditions qui lui étaient prescrites, et Œil-de-Faucon, jetant un nouveau coup d’œil sur ses compagnons comme pour les passer en revue, donna l’ordre de se remettre en marche.

Ils suivirent pendant un mille le cours de la rivière. Les bords en étaient assez escarpés pour dérober leur marche aux regards qui auraient pu les guetter ; l’épaisseur des buissons qui bordaient le courant leur offrit encore de nouveaux motifs de sécurité ; néanmoins pendant toute la route ils ne négligèrent aucune des précautions en usage chez les Indiens lorsqu’ils se préparent à une attaque. De chaque côté de la rivière un Delaware placé en avant