Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le premier était assis sur une vieille souche couverte de mousse, dans une attitude qui lui permettait d’ajouter à l’effet de son langage expressif par les gestes calmes mais éloquents d’un Indien qui discute. Son corps presque nu présentait un effrayant emblème de mort, tracé en blanc et en noir. Sa tête rasée de très près n’offrait d’autres cheveux que cette touffe[1] que l’esprit chevaleresque des Indiens conserve sur le sommet de la tête, comme pour narguer l’ennemi qui voudrait le scalper[2], et n’avait pour tout ornement qu’une grande plume d’aigle, dont l’extrémité lui tombait sur l’épaule gauche ; un tomahawk et un couteau à scalper de fabrique anglaise étaient passés dans sa ceinture, et un fusil de munition, de l’espèce de ceux dont la politique des blancs armait les sauvages leurs alliés, était posé en travers sur ses genoux. Sa large poitrine, ses membres bien formés et son air grave faisaient reconnaître un guerrier parvenu à l’âge mûr ; mais nul symptôme de vieillesse ne paraissait encore avoir diminué sa vigueur.

Le corps du blanc, à en juger par les parties que ses vêtements laissaient à découvert, paraissait être celui d’un homme qui depuis sa plus tendre jeunesse avait mené une vie dure et pénible. Il approchait plus de la maigreur que de l’embonpoint ; mais tous ses muscles semblaient endurcis par l’habitude des fatigues et de l’intempérie des saisons. Il portait un vêtement de chasse vert, bordé de jaune[3], et un bonnet de peau dont la fourrure était usée. Il avait aussi un couteau passé dans une ceinture semblable à celle qui serrait les vêtements plus rares de l’Indien ; mais point de tomahawk. Ses mocassins[4] étaient ornés à la manière des naturels du pays, et ses jambes étaient couvertes de

  1. Les guerriers de l’Amérique du Nord se rasaient les cheveux et ne conservaient qu’une petite touffe sur le sommet de la tête, afin que leurs ennemis pussent s’en servir en arrachant le scalp au moment de leur chute. Le scalp était le seul trophée admissible de la victoire ; aussi il était plus important d’obtenir le scalp d’un guerrier que de le tuer. Quelques tribus attachaient une grande importance à l’honneur de frapper un corps mort. Ces pratiques ont presque entièrement disparu parmi les Indiens des États de l’Atlantique.
  2. Le lecteur doit excuser l’introduction du mot scalper. Il se présentera trop souvent pour y suppléer par une périphrase.
  3. Hunting-shirt, espèce de blouse de chasse. C’est un vêtement pittoresque, court et orné de franges et de glands. Les couleurs ont la prétention d’imiter les nuances du feuillage, afin de cacher le chasseur aux yeux de sa proie. Plusieurs corps des milices américaines ont été habillés ainsi, et cet uniforme est un des plus remarquables des temps modernes. La blouse de chasse est souvent blanche.
  4. Ou mocassine, espèce de chaussure.