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lui faire le même honneur ; mais Duncan demanda à combattre comme volontaire à côté du chasseur. Après ces premières dispositions, le jeune Mohican désigna différents chefs pour occuper les postes les plus importants ; et comme le temps pressait, il donna le signal du départ. Aussitôt plus de deux cents guerriers se mirent en marche avec joie, mais en silence.

Ils entrèrent dans la forêt sans être inquiétés, et ils marchèrent quelque temps sans rencontrer aucun être vivant qui fît mine de leur résister, ou qui pût leur donner les renseignements dont ils avaient besoin. Une halte fut alors ordonnée, et, dans un endroit où des arbres plus touffus les dérobaient entièrement aux regards, les chefs furent assemblés pour tenir conseil entre eux à voix basse. On proposa plusieurs plans d’opération ; mais aucun ne répondait à l’impatience de leur chef. Si Uncas n’eût écouté que l’impulsion de son caractère, il aurait mené sa troupe à la charge sans délibérer, et il eût tout fait dépendre des hasards d’un combat ; mais c’eût été violer les usages de ses compatriotes et blesser toutes les opinions reçues : force lui fut donc d’entendre proposer des mesures de prudence que son caractère bouillant et impétueux lui faisait détester, et d’écouter des conseils qui lui semblaient pusillanimes lorsqu’il se représentait les dangers auxquels Cora était exposée, et l’insolence de Magua.

Après une conférence de quelques minutes qui n’avait encore produit aucun résultat, ils virent paraître un homme dans l’éloignement. Il était seul et venait de l’endroit où devait être l’ennemi. Il marchait d’un pas si rapide qu’on pouvait croire que c’était un messager chargé de faire quelques propositions de paix. Lorsque cet homme fut à deux ou trois cents pas du taillis derrière lequel se tenait le conseil des Delawares, il hésita, paraissant indécis sur le chemin qu’il devait prendre, et il finit par s’arrêter. Tous les yeux se tournèrent alors sur Uncas, comme pour lui demander ce qu’il fallait faire.

— Œil-de-Faucon, dit le jeune chef à voix basse, il ne faut pas qu’il revoie jamais les Hurons.

— Ton heure est venue, dit le chasseur laconique en abaissant la pointe de son fusil à travers le feuillage. Il semblait ajuster son coup lorsqu’au lieu de lâcher la détente on le vit poser tranquillement son arme à terre, et se livrer à ces éclats de rire qui lui étaient ordinaires.