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en descendit, et traversant en silence la foule qui l’entourait, il rentra dans la cabane d’où il était sorti.

Quelques-uns des chefs les plus graves et les plus prudents, remarquant les éclairs d’indignation qui jaillissaient des yeux du jeune chef, le suivirent dans le lieu qu’il avait choisi pour se livrer à ses méditations. Au bout de quelque temps Tamenund et Alice partirent, et on ordonna aux femmes et aux enfants de se disperser. Bientôt le camp ressembla à une vaste ruche dont les abeilles auraient attendu l’arrivée et l’exemple de leur reine pour commencer une expédition importante et éloignée.

Un jeune guerrier sortit enfin de la cabane où était entré Uncas, et d’un pas grave, mais décidé, il s’approcha d’un arbre nain qui avait poussé dans les crevasses de la terrasse rocailleuse ; il en arracha presque toute l’écorce, et retourna sans parler dans la cabane d’où il venait. Un autre guerrier en sortit ensuite, et dépouillant le jeune pin de toutes ses branches, ne laissa plus qu’un tronc nu et désolé[1]. Un troisième vint ensuite peindre l’arbre de larges raies d’un rouge foncé. Tous ces emblèmes indicatifs des desseins hostiles des chefs de la nation, furent reçus par les hommes du dehors avec un sombre et morne silence. Enfin le Mohican lui-même reparut, dépouillé de tous ses vêtements, n’ayant gardé que sa ceinture.

Uncas s’approcha lentement de l’arbre, et il commença sur-le-champ à danser autour, d’un pas mesuré, en élevant de temps en temps la voix pour faire entendre les sons sauvages et irréguliers de son chant de guerre. Tantôt c’étaient des accents tendres et plaintifs d’une mélodie si touchante, qu’on eût dit le chant d’un oiseau ; tantôt, par une transition brusque et soudaine, c’étaient des cris si énergiques et si terribles, qu’ils faisaient tressaillir ceux qui les entendaient. Le chant de guerre se composait d’un petit nombre de mots souvent répétés ; il commençait par une sorte d’hymne ou d’invocation à la Divinité ; il annonçait ensuite les projets du guerrier ; et la fin comme le commencement était un hommage rendu au grand Esprit. Dans l’impossibilité de traduire la langue mélodieuse et expressive que parlait Uncas, nous allons donner du moins le sens des paroles :

  1. Un tronc nu et blazed. On dit, dans le langage du pays, d’un arbre qui a été partiellement ou entièrement dépouillé de son écorce, qu’il a été blazed. Ce terme est tout à fait anglais, car on dit, en Angleterre, d’un cheval qui a une marque blanche qu’il est blazed.