Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essentiellement aux Delawares, qui voulaient être tout à la fois justes et sévères, de connaître la vérité. Quelques-uns des vieillards se consultèrent entre eux, et le résultat de cette conférence parut être d’interroger leur hôte à ce sujet.

— Mon frère a dit qu’un serpent s’était glissé dans mon camp, dit le chef à Magua ; quel est-il ?

Le Huron montra du doigt le chasseur ; mais il continua à garder le silence.

— Un sage Delaware prêtera-t-il l’oreille aux aboiements d’un loup ? s’écria Duncan confirmé encore plus dans l’idée que son ancien ennemi n’avait que de mauvaises intentions ; un chien ne ment jamais ; mais quand a-t-on vu un loup dire la vérité ?

Les yeux de Magua lancèrent des éclairs ; puis tout à coup se rappelant la nécessité de conserver sa présence d’esprit, il se détourna d’un air de dédain, bien convaincu que la sagacité des Indiens ne se laisserait pas éblouir par des paroles. Il ne se trompait pas, car après une nouvelle consultation fort courte, le même chef qui avait déjà pris la parole se tourna de son côté, et lui fit part de la détermination des vieillards, quoique dans les termes les plus circonspects.

— Mon frère, lui dit-il, a été traité d’imposteur, et ses amis en sont dans la peine. Ils montreront qu’il a dit vrai. Qu’on donne des fusils à mes prisonniers, et qu’ils prouvent par des faits lequel des deux est le guerrier que nous voulons connaître.

Magua vit bien que dans le fond cette épreuve n’était proposée que parce qu’on se méfiait de lui ; mais il feignit de ne la considérer que comme un hommage qui lui était rendu. Il fit donc un signe d’assentiment, sachant bien que le chasseur était trop bon tireur pour que le résultat de l’épreuve ne confirmât point ce qu’il avait dit. Des armes furent mises aussitôt entre les mains des deux amis rivaux, et ils reçurent l’ordre de tirer, au-dessus de la multitude assise, contre un vase de terre qui se trouvait par hasard sur un tronc d’arbre, à cinquante verges environ (cent cinquante pieds) de l’endroit où ils étaient placés.

Heyward sourit en lui-même à l’idée du défi qu’il était appelé à soutenir contre le chasseur ; mais il n’en résolut pas moins de persister dans son généreux mensonge, jusqu’à ce qu’il connût les projets de Magua. Il prit donc le fusil, visa à trois reprisés différentes avec le plus grand soin, et fit feu. La balle fendit