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Pendant qu’il prononçait ce discours extraordinaire, ses compagnons étaient graves et attentifs, comme s’ils eussent tous été également convaincus qu’il ne disait que ce qu’il devait dire. Quelques têtes de castors se montrèrent sur la surface de l’eau, et le Huron en exprima sa satisfaction, persuadé qu’il ne les avait pas harangués inutilement. Comme il finissait sa harangue, il crut voir la tête d’un gros castor sortir d’une habitation éloignée des autres, et qui, n’étant pas en très bon état, lui avait paru abandonnée. Il regarda cette marque extraordinaire de confiance comme un présage très favorable ; et quoique l’animal se fût retiré avec quelque précipitation, il n’en fut pas moins prodigue d’éloges et de remerciements.

Lorsque Magua crut avoir accordé assez de temps à l’affection de famille du guerrier, il donna le signal de se remettre en marche. Tandis que les Indiens s’avançaient en corps, d’un pas que les oreilles d’un Européen n’auraient pu entendre, le même castor vénérable montra encore sa tête hors de son habitation. Si quelque Huron eût alors détourné la tête pour le regarder, il aurait vu l’animal surveiller les mouvements de la troupe avec un air d’intérêt et de sagacité qu’on aurait pu prendre pour de la raison. Dans le fait, toutes les manœuvres du quadrupède semblaient si bien dirigées vers ce but, que l’observateur le plus attentif et le plus éclairé n’aurait pu en expliquer le motif qu’en voyant, lorsque les Hurons furent entrés dans la forêt, l’animal se montrer tout entier, et le grave et silencieux Chingachgook débarrasser sa tête d’un masque de fourrure qui la couvrait.


CHAPITRE XXVIII


Soyons bref, car vous voyez que j’ai plus d’une affaire.
Shakspeare. Beaucoup de bruit pour rien.


La tribu, ou pour mieux dire la demi-tribu des Delawares dont le camp était placé à si peu de distance de celui des Hurons, comptait à peu près autant de guerriers que la peuplade voisine.