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Indiens les plus superstitieux se regardaient les uns les autres, et ne se souciaient pas d’avancer vers un endroit dont le malin esprit qui, suivant eux, avait causé la mort de cette femme s’était peut-être emparé. Cependant quelques-uns plus hardis étant entrés dans le passage qui y conduisait, nul n’osa rester en arrière, et en arrivant dans le second appartement, ils y virent Magua qui se roulait par terre avec fureur, désespéré de ne pouvoir se débarrasser de ses liens. Une exclamation annonça la surprise générale.

Dès qu’on eut reconnu la situation dans laquelle il se trouvait, on s’empressa de le délivrer de son bâillon, et de couper les courroies qui le garrottaient. Il se releva, secoua ses membres, comme un lion qui sort de son antre, et sans prononcer un seul mot, mais la main appuyée sur le manche de son couteau, il jeta un coup d’œil rapide sur tous ceux qui l’entouraient, comme s’il eût cherché quelqu’un qu’il pût immoler à sa vengeance.

Ne voyant partout que des visages amis, le sauvage grinça les dents avec un bruit qui aurait fait croire qu’elles étaient de fer et dévora sa rage, faute de trouver sur qui la faire tomber.

Tous les témoins de cette scène redoutaient d’abord d’exaspérer davantage un caractère si irritable ; quelques minutes se passèrent en silence. Enfin le plus âgé des chefs prit la parole.

— Je vois que mon frère a trouvé un ennemi, dit-il ; est-il près d’ici, afin que les Hurons puissent le venger ?

— Que le Delaware meure ! s’écria Magua d’une voix de tonnerre.

Un autre intervalle de silence, occasionné par la même cause, suivit cette exclamation, et ce fut le même chef qui dit après un certain temps :

— Le Mohican a de bonnes jambes, et il sait s’en servir ; mais nos jeunes guerriers sont sur ses traces.

— Il est sauvé ! s’écria Magua d’une voix si creuse et si sourde qu’elle semblait sortir du fond de sa poitrine.

— Un mauvais esprit s’est glissé parmi nous, reprit le vieux chef, et il a frappé les Hurons d’aveuglement.

— Un mauvais esprit ! répéta Magua avec une ironie amère ; oui, le mauvais esprit qui a fait périr tant de Hurons ; — le mauvais esprit qui a tué nos compagnons sur le rocher de Glenn ; — celui qui a enlevé les chevelures de cinq de nos guerriers près de la