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ses amis. Croyant que sa dernière heure était arrivée, il songea pourtant à sa panacée universelle ; mais privé de son livre et de son instrument, il fut obligé de se fier à sa mémoire, et chercha à rendre plus doux son passage dans l’autre monde en chantant une antienne funéraire. Ce chant rappela dans l’esprit des Indiens l’idée qu’il était privé de raison, et sortant à l’instant de la hutte, ils jetèrent l’alarme dans tout le camp.

La toilette d’un guerrier indien n’est pas longue, et la nuit comme le jour ses armes sont toujours à sa portée. À peine le cri d’alarme s’était-il fait entendre que deux cents Hurons étaient debout, complètement armés, et prêts à combattre. L’évasion du prisonnier fut bientôt généralement connue, et toute la peuplade s’attroupa autour de la cabane du conseil, attendant avec impatience les ordres des chefs, qui raisonnaient sur ce qui avait pu causer un événement si extraordinaire, et délibéraient sur les mesures qu’il convenait de prendre. Ils remarquèrent l’absence de Magua ; ils furent surpris qu’il ne fût point parmi eux dans une circonstance semblable ; ils sentirent que son génie astucieux et rusé pouvait leur être utile, et ils envoyèrent un messager dans sa hutte pour le demander sur-le-champ.

En attendant, quelques jeunes gens, les plus lestes et les plus braves, reçurent ordre de faire le tour de la clairière, et de battre le bois du côté de leurs voisins suspects les Delawares, afin de s’assurer si ceux-ci n’avaient pas favorisé la fuite du prisonnier, et s’ils ne se disposaient pas à les attaquer à l’improviste. Pendant que les chefs délibéraient ainsi avec prudence et gravité dans la cabane du conseil, tout le camp offrait une scène de confusion, et retentissait des cris des femmes et des enfants, qui couraient çà et là en désordre.

Des clameurs partant de la lisière du bois annoncèrent bientôt quelque nouvel événement, et l’on espéra qu’il expliquerait le mystère que personne ne pouvait comprendre. On ne tarda pas à entendre le bruit des pas de plusieurs guerriers qui s’approchaient ; la foule leur fit place, et ils entrèrent dans la cabane du conseil avec le malheureux jongleur qu’ils avaient trouvé à peu de distance de la lisière du bois, dans la situation gênante où Œil-de-Faucon l’avait laissé.

Quoique les Hurons fussent partagés d’opinion sur cet individu, les uns le regardant comme un imposteur, les autres croyant fer-