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— Toute ma vie s’est passée, Dieu merci, dans la paix et la charité, répondit David un peu piqué de cette brusque attaque contre sa bravoure, mais personne ne peut dire que j’aie oublié ma foi dans le Seigneur, même au milieu des plus grands périls.

— Votre plus grand péril, dit le chasseur, arrivera au moment où les sauvages s’apercevront qu’ils ont été trompés, et que leur prisonnier s’est échappé. Si vous ne recevez pas alors un bon coup de tomahawk, — et il est possible que le respect qu’ils ont pour votre esprit vous en préserve, — il y a tout lieu de croire que vous mourrez de votre belle mort. Si vous restez ici, il faut vous tenir dans l’ombre au bout de la cabane, et jouer le rôle d’Uncas, jusqu’à ce que les Hurons aient reconnu la ruse, et alors, comme je vous l’ai déjà dit, ce sera le moment de la crise ; si vous le préférez, vous pouvez faire usage de vos jambes dans le cours de la nuit ; ainsi c’est à vous à choisir de courir ou de rester.

— Je resterai, répondit David avec fermeté, je resterai en place du jeune Delaware ; il s’est battu pour moi généreusement, et je ferai pour lui ce que vous me demandez, et plus encore s’il est possible.

— C’est parler en homme, dit Œil-de-Faucon, et en homme qui aurait été capable de grandes choses avec une meilleure éducation. Asseyez-vous là-bas, baissez la tête, et repliez vos jambes sous vous ; car leur longueur pourrait nous trahir trop tôt. Gardez le silence aussi longtemps que vous le pourrez : et quand il faudra que vous parliez, vous feriez sagement d’entonner un de vos cantiques, afin de rappeler à ces coquins que vous n’êtes pas tout à fait aussi responsable de vos actions que le serait un de nous, par exemple. Au surplus, s’ils vous enlèvent votre chevelure, ce qu’à Dieu ne plaise, soyez bien sûr qu’Uncas et moi nous ne vous oublierons pas, et que nous vous vengerons comme il convient à des guerriers et à des amis.

— Un instant ! s’écria David, voyant qu’ils allaient partir après lui avoir donné cette assurance consolante ; Je suis l’humble et indigne disciple d’un maître qui n’enseigne pas le principe diabolique de la vengeance. Si je péris, n’immolez pas de victimes à mes mânes ; pardonnez à mes assassins ; et si vous pensez à eux, que ce soit pour prier le ciel d’éclairer leur esprit et de leur inspirer le repentir.

Le chasseur hésita et réfléchit quelques instants.