Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un homme comme vous, répondit le chasseur, un homme dans les veines duquel il n’y a pas plus de mélange de sang d’ours que dans les vôtres. Avez-vous si tôt oublié celui qui vous a rendu le sot joujou que vous avez à la main ?

— Est-il possible ! s’écria David respirant plus librement, quoique sans comprendre encore bien clairement cette métamorphose, qui le faisait penser à celle de Nabuchodonosor ; j’ai vu bien des merveilles depuis que je vis avec des païens, mais pas encore un prodige comme celui-ci.

— Attendez, attendez, dit Œil-de-Faucon en se dépouillant de sa tête pour rassurer complètement son compagnon ; vous allez voir une peau qui, si elle n’est pas aussi blanche que celle des deux jeunes dames, ne doit ses couleurs qu’au vent et au soleil. Et à présent que vous me voyez, parlons d’affaires.

— Parlez-moi d’abord de la captive et du brave jeune homme qui est venu pour la délivrer.

— Ils sont heureusement tous deux à l’abri des tomahawks de ces coquins. Mais pouvez-vous me mettre sur la piste d’Uncas ?

— Uncas est prisonnier, et je crains bien que sa mort ne soit décidée. C’est bien dommage qu’un pareil jeune homme meure dans son ignorance, et j’ai choisi une hymne…

— Pouvez-vous me conduire près de lui ?

— La tâche ne sera pas difficile, quoique je craigne que votre présence ne fasse qu’ajouter à son infortune, au lieu de l’adoucir.

— Plus de paroles ; montrez-moi le chemin.

En parlant ainsi, Œil-de-Faucon replaçait la tête d’ours sur ses épaules, et il donna l’exemple à son compagnon en sortant le premier de la cabane.

Chemin faisant, David apprit à son compagnon qu’il avait déjà rendu une visite à Uncas, sans que personne s’y opposât ; ce dont il était redevable, tant à l’aliénation d’esprit qu’on lui supposait et qu’on respectait, qu’à la circonstance qu’il jouissait des bonnes grâces particulières d’un des gardes du Mohican, qui savait quelques mots d’anglais, et que le zélé chanteur avait choisi comme un sujet propre à mettre en évidence ses talents pour convertir. Il est fort douteux que le Huron comprît parfaitement les intentions de son nouvel ami ; mais comme des attentions exclusives sont flatteuses pour un sauvage aussi bien que pour un homme civilisé, celles de