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toute sa pieuse confiance en la protection du ciel ; il était en ce moment absorbé dans de profondes réflexions sur le prodige dont ses yeux et ses oreilles avaient été témoins dans la caverne.

Quelque ferme que fût la foi de David dans les anciens miracles, il ne croyait pas aussi implicitement aux miracles modernes. Il ne doutait nullement que l’âne de Balaam n’eût parlé, mais qu’un ours pût chanter… Cependant c’était un fait dont l’assurait le témoignage d’une oreille infaillible.

Il y avait dans son air et dans ses manières quelque chose qui rendait son trouble manifeste. Il était assis sur un tas de broussailles dont il tirait de temps en temps quelques branches pour empêcher son feu de s’éteindre. Son costume, que nous avons déjà décrit, n’avait subi aucun changement, si ce n’est qu’il avait sur la tête son vieux chapeau de forme triangulaire qui n’avait excité l’envie d’aucun des Hurons.

Le chasseur, qui se rappelait la manière dont David s’était enfui précipitamment de la caverne, soupçonna le sujet de ses méditations. Ayant fait d’abord le tour de la hutte pour s’assurer qu’elle était isolée de toutes parts, et ne présumant pas qu’il arrivât aucune visite au chanteur à une pareille heure, il se hasarda à y entrer sans bruit, et s’assit sur ses jambes de derrière, en face de David dont il n’était séparé que par le feu. Une minute se passa en silence, chacun d’eux ayant les yeux fixés sur l’autre. Mais enfin la vue soudaine du monstre qui occupait toutes ses pensées l’emporta, nous ne dirons pas sur la philosophie de David, mais sur sa foi et sa résolution. Il prit son instrument, et se leva avec une intention confuse d’essayer un exorcisme en musique.

— Monstre noir et mystérieux ! s’écria-t-il en affermissant d’une main tremblante ses lunettes sur son nez, et en feuilletant ensuite sa version poétique des psaumes pour y chercher un cantique convenable a la circonstance, j’ignore quelle est votre nature et quelles sont vos intentions ; mais si vous méditez quelque chose contre un des plus humbles serviteurs du temple, écoutez la langue inspirée du roi-prophète, et repentez-vous.

L’ours se serra les côtes en pouffant de rire, et lui répondit :

— Remettez votre joujou dans votre poche, et ne vous fatiguez pas le gosier. Cinq mots de bon anglais vaudront mieux en ce moment.

— Qui es-tu donc ? demanda David respirant à peine.