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pièges ; mais les Peaux-Rouges savent comment garder les Visages-Pâles.

— Faites tout ce qu’il vous plaira, misérable ! s’écria le major, oubliant en ce moment qu’il avait un double motif pour tenir à la vie, je vous brave et vous méprise également, vous et votre vengeance.

— L’officier anglais parlera-t-il de même quand il sera attaché au poteau ? demanda Magua avec un ton d’ironie qui prouvait qu’il doutait de la fermeté d’un blanc au milieu des tortures.

— Ici, face à face avec vous, en présence de toute votre nation ! s’écria Heyward.

— Le Renard-Subtil est un grand chef, dit le Huron ; il ira chercher ses jeunes guerriers pour qu’ils voient avec quelle bravoure un Visage-Pâle sait souffrir les tortures.

À ces mots il se détourna et s’avança vers la porte par où Duncan était arrivé ; mais il s’arrêta un instant en la voyant occupée par un ours assis sur ses pattes de derrière, grondant d’une manière effrayante et s’agitant le corps de droite à gauche suivant l’habitude de ces animaux. De même que le vieil Indien qui avait conduit Heyward en ce lieu, Magua examina l’animal avec attention et reconnut le déguisement du jongleur.

Le long commerce qu’il avait eu avec les Anglais l’avait affranchi en partie des superstitions vulgaires de sa nation, et il n’avait pas un grand respect pour ses prétendus sorciers. Il se disposait donc à passer près de lui avec un air de mépris ; mais au premier mouvement qu’il fit, l’ours gronda encore plus fort et prit une attitude menaçante.

Magua s’arrêta une seconde fois ; mais enfin il parut déterminé à ne pas laisser déranger ses projets par des grimaces de charlatan. Il arriva donc à la porte, et l’ours, se levant sur ses pattes de derrière, se mit à battre l’air de celles de devant à la manière de ces animaux.

— Fou ! s’écria le Huron, allez intimider les squaws et les enfants, et n’empêchez pas les hommes de faire leurs affaires.

Il fit encore un pas en avant sans croire même avoir besoin de recourir au couteau ou au tomahawk pour intimider le prétendu jongleur. Mais à l’instant où il se trouva près de l’ours, Œil-de-Faucon étendit les bras, les lui jeta autour du corps, et le serra avec toute la force et l’étreinte d’un de ces animaux.