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sans rencontrer le redoutable habitant des bois. Faisant donc de nécessité vertu, il continua à avancer en se tenant aussi près de son conducteur qu’il était possible. L’ours était toujours sur ses talons ; il grondait de temps en temps, et il appuya même deux ou trois fois ses pattes énormes sur le dos du major, comme s’il eût voulu empêcher qu’on pénétrât plus avant dans la caverne.

Il est difficile de décider si Heyward aurait pu soutenir longtemps une position si extraordinaire ; mais il y trouva bientôt quelque soulagement. Il avait marché en ligne droite vers une faible lumière. Au bout de deux ou trois minutes de marche il arriva à l’endroit d’où partait cette clarté.

Une grande cavité du rocher avait été arrangée avec art, de manière à former différents appartements, dont les murs de séparation étaient construits en écorce, en branches et en terre ; des crevasses à la voûte y laissaient entrer la lumière pendant le jour, et l’on y suppléait la nuit par du feu et des torches : c’était le magasin des armes, des approvisionnements, des effets les plus précieux des Hurons, et principalement des objets qui appartenaient à la peuplade en général, sans être la propriété particulière d’aucun individu. La femme malade, qu’on croyait victime d’un pouvoir surnaturel, y avait été transportée parce qu’on supposait que le malin esprit qui la tourmentait trouverait plus de difficulté à pénétrer à travers les pierres d’un rocher qu’à travers les feuilles formant le toit d’une cabane. L’appartement dans lequel entrèrent Duncan et son guide lui avait été abandonné. Elle était couchée sur un lit de feuilles sèches et entourée d’un groupe de femmes, au milieu desquelles Heyward reconnut son ami David La Gamme.

Un seul coup d’œil suffit pour apprendre au prétendu médecin que la malade était dans un état qui ne lui laissait aucun espoir de faire briller des talents qu’il ne possédait pas. Elle était attaquée d’une paralysie universelle, avait perdu la parole et le mouvement, et ne semblait pas même sentir ses souffrances. Heyward ne fut pas fâché que les simagrées qu’il allait être obligé de faire pour jouer convenablement son rôle aux yeux des Indiens ne fussent que pour une femme trop malade pour y prendre intérêt et se livrer à de vaines espérances. Cette idée contribua à calmer quelques scrupules de conscience, et il allait commencer ses opérations médicales et magiques, quand il fut prévenu par un docteur aussi