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l’emmène dans le séjour des ténèbres et du silence. Voyons si un Delaware peut dormir aujourd’hui et mourir demain.

De jeunes guerriers saisirent alors le prisonnier, le garrottèrent avec des liens d’écorce, et l’emmenèrent hors de la cabane. Uncas marcha d’un pas ferme ; cependant cette fermeté sembla se démentir quand il arriva à la porte ; car il s’y arrêta un instant ; mais ce n’était que pour se retourner, et jeter à la ronde sur le cercle de ses ennemis un regard de fierté dédaigneuse. Ses yeux rencontrèrent ceux de Duncan, et ils semblaient lui dire que toute espérance n’était pas encore perdue.

Magua, satisfait du succès qu’il avait obtenu, ou occupé de projets ultérieurs, ne songea pas à faire de nouvelles questions. Croisant sur sa poitrine la peau qui le couvrait, il sortit de l’appartement sans parler davantage d’un sujet qui aurait pu devenir fatal à celui auprès duquel il s’était placé. Malgré son ressentiment toujours croissant, sa fermeté naturelle et sa vive inquiétude pour Uncas, Heyward se sentit soulagé par le départ d’un ennemi si dangereux et si subtil. L’agitation qu’avait produite le discours de Magua commençait aussi à se calmer. Les guerriers avaient repris leur place, et de nouveaux nuages de fumée remplirent l’appartement. Pendant près d’une demi-heure on ne prononça pas une syllabe, et à peine remua-t-on les yeux, un silence grave et réfléchi étant la suite ordinaire de toutes les scènes de tumulte et de violence parmi ces peuples à la fois si impétueux et si impassibles.

Au lieu de se diriger vers les cabanes où le major avait déjà fait des recherches inutiles, son compagnon s’avança, en droite ligne vers la base d’une montagne voisine couverte de bois, qui dominait le camp des Hurons. D’épais buissons en défendaient les approches, et ils furent obligés de suivre un sentier étroit et tortueux. Les enfants avaient recommencé leurs jeux dans la clairière. Armés de branches d’arbres, ils s’étaient rangés sur deux lignes, entre lesquelles chacun d’eux courait tour à tour à toutes jambes pour gagner le poteau protecteur.

Pour rendre l’imitation plus complète, ils avaient allumé plusieurs grands feux de broussailles, dont la lueur éclairait les pas de Duncan et donnait un caractère encore plus sauvage au paysage. En face d’un grand rocher, ils entrèrent dans une espèce d’avenue formée dans la forêt par les daims lors de leurs migrations pério-