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examinaient avec curiosité un ennemi dont la bravoure avait été fatale à tant de guerriers de leur nation.

C’était un triomphe pour Uncas, et il en jouissait, mais sans en donner d’autre preuve extérieure que ce fier et calme mouvement des lèvres qui, dans tous les pays et dans tous les temps, fut toujours l’emblème du mépris. Magua s’en aperçut ; serrant le poing, il étendit le bras en le secouant d’un air de menace vers le prisonnier, et s’écria en anglais :

— Mohican, il faut mourir !

— Les eaux de la source de Santé, répondit Uncas en delaware, ne rendraient pas la vie aux Hurons qui sont morts sur la montagne ; leurs ossements, y blanchiront. — Les Hurons sont des squaws, et leurs femmes des hiboux. — Allez, rassemblez tous les chiens de Hurons, afin qu’ils puissent voir un guerrier. — Mes narines sont offensées ; elles sentent le sang d’un lâche.

Cette dernière allusion excita un profond ressentiment ; car un grand nombre des Hurons entendaient, de même que Magua, la langue dont Uncas venait de se servir. Le rusé sauvage vit sur-le-champ qu’il pouvait tirer avantage de la disposition générale des esprits, et il résolut d’en profiter.

Laissant tomber la peau qui lui couvrait une épaule, il étendit un bras, et annonça ainsi qu’il allait se livrer aux inspirations de sa fatale et astucieuse éloquence. Quoiqu’il eût perdu, par suite de sa désertion, une partie de son influence sur ses concitoyens, personne ne lui refusait du courage, et on le regardait comme le premier orateur de la nation. Aussi ne manquait-il jamais d’auditeurs, et presque toujours il réussissait à entraîner les autres à son opinion ; mais en cette occasion ses moyens naturels puisaient une nouvelle force dans sa soif de vengeance.

Il commença par raconter tout ce qui s’était passé à l’attaque du rocher de Glenn, la mort de plusieurs de ses compagnons, et la manière dont les plus redoutables de leurs ennemis leur avaient échappé ; il peignit ensuite la situation de la petite montagne sur laquelle il s’était retiré avec les prisonniers tombés entre ses mains, ne dit pas un mot du supplice barbare qu’il avait voulu leur faire subir, et passa rapidement à l’attaque subite de la Longue-Carabine, du Grand-Serpent et du Cerf-Agile, qui avaient massacré ses compagnons par surprise, et l’avaient lui-même laissé pour mort.

Ici il fit une pause, comme pour payer un tribut de regrets aux