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à propos des nouveaux dangers qu’ils couraient tous deux si l’on venait à découvrir leur liaison.

Cédant donc à la nécessité, quoiqu’à contre-cœur, il sortit, et se mêla dans la foule qui était près des cabanes. Les feux qui expiraient dans la clairière ne jetaient plus qu’une lumière sombre et douteuse sur les êtres qui allaient et venaient ou s’assemblaient en groupes, et cependant il arrivait quelquefois que la flamme, se ranimant un instant, jetait un éclat passager qui pénétrait jusque dans l’intérieur de la grande cabane, où l’on voyait Uncas, seul, debout, dans la même attitude, ayant à ses pieds le corps du Huron qui venait d’expirer. Quelques guerriers y entrèrent alors, et emportèrent le cadavre dans les bois, soit pour lui donner la sépulture, soit pour le livrer à la voracité des animaux.

Après la fin de cette scène solennelle, Duncan entra dans différentes cabanes sans qu’on lui adressât aucune question, sans qu’on fît même attention à lui, dans l’espoir d’y trouver quelques traces de celle pour l’amour de qui il s’était exposé à de tels risques. Dans la situation où se trouvait en ce moment toute la peuplade, il lui aurait été facile de fuir et de rejoindre ses compagnons, s’il en avait eu le moindre désir. Mais indépendamment de l’inquiétude continuelle qui tourmentait son esprit relativement à Alice, un intérêt nouveau, quoique moins puissant, l’entraînait chez les Hurons.

Il continua ainsi pendant quelque temps à aller de hutte en hutte, vivement contrarié de n’y avoir rien trouvé de ce qu’il cherchait. Renonçant enfin à une poursuite inutile, il retourna vers la cabane du conseil, dans l’espoir d’y rencontrer David, et dans le dessein de le questionner pour mettre fin à des doutes qui lui devenaient trop pénibles.

En arrivant à la porte de la hutte qui avait été la salle de justice et le lieu de l’exécution, il vit que le calme était rétabli sur tous les visages. Les guerriers y étaient assemblés de nouveau ; ils fumaient tranquillement, et conversaient gravement sur les principaux incidents de leur expédition à William-Henry. Quoique le retour de Duncan dût leur rappeler les circonstances un peu suspectes de son arrivée parmi eux, il ne produisit aucune sensation visible. La scène horrible qui venait de se passer lui parut donc favoriser ses vues, et il se promit de ne négliger aucun moyen de profiter de cet avantage inespéré.