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l’horreur et la fierté se peignaient en même temps sur ses traits, et s’y disputaient la prééminence. Enfin le dernier de ces sentiments l’emporta. Ses yeux se ranimèrent tout à coup et regardèrent avec fermeté les guerriers dont il voulait mériter les éloges, du moins dans ses derniers moments. Il se leva, et découvrant sa poitrine, regarda sans trembler le fatal couteau qui brillait déjà dans la main de son juge inexorable. On le vit même sourire pendant que l’instrument de mort s’enfonçait lentement dans son cœur, comme s’il éprouvait quelque joie à ne pas trouver là mort aussi terrible que sa timidité naturelle la lui avait fait redouter. Enfin il tomba sans mouvement presque aux pieds d’Uncas toujours calme et inébranlable.

La vieille femme poussa un hurlement plaintif, éteignit la torche en la jetant par terre, et une obscurité complète régna tout à coup dans la cabane. Tous ceux qui s’y trouvaient en sortirent sur-le-champ, comme des esprits troublés, et Duncan crut qu’il y était resté seul avec le corps encore palpitant de la victime d’un jugement indien.


CHAPITRE XXIV.


Ainsi parla le sage ; les rois, sans plus de retard, terminent le conseil et obéissent à leur chef.
PopeTraduction de l’Iliade.


Un seul instant suffit pour convaincre Heyward qu’il s’était trompé en se croyant resté seul dans la hutte. Une main s’appuya sur son bras en le serrant fortement, et il reconnut la voix d’Uncas, qui lui disait bien bas à l’oreille :

— Les Hurons sont des chiens. La vue du sang d’un lâche ne peut jamais faire trembler un guerrier. La Tête-Grise et le Sagamore sont en sûreté ; le fusil d’Œil-de-Faucon ne dort pas. Sortez d’ici ; Uncas et la Main-Ouverte doivent paraître étrangers l’un à l’autre. — Pas un mot de plus !

Duncan aurait voulu en apprendre davantage ; mais son ami, le poussant vers la porte avec une force mêlée de douceur, l’avertit