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flamme d’une grande torche. Les jeunes gens et les guerriers d’une classe inférieure étaient placés en cercle par derrière. Au centre de l’appartement, sous une ouverture pratiquée pour donner passage à la fumée et par laquelle on voyait alors briller deux ou trois étoiles, était Uncas, debout, dans une attitude de calme et de fierté. Cet air de hauteur et de dignité n’échappa point aux regards pénétrants de ceux qui étaient les arbitres de son sort, et ils le regardaient souvent avec des yeux qui n’avaient rien perdu de leur férocité, mais qui montraient évidemment l’admiration que leur inspirait son courage.

Il n’en était pas de même de l’individu qui, comme le jeune Mohican, avait été condamné à passer entre les deux files de sauvages armés. Il n’avait pas profité de la scène de trouble et de confusion que nous venons de décrire pour chercher à se sauver ; et, quoique personne n’eût songé à le surveiller, il était resté immobile, semblable à la statue de la Honte. Pas une main ne l’avait saisi pour le conduire dans la cabane du conseil ; il y était entré de lui-même, comme entraîné par un destin auquel il sentait qu’il ne pouvait se soustraire.

Duncan profita de la première occasion pour le regarder en face, craignant en secret de reconnaître encore un ami. Mais le premier regard qu’il jeta sur lui n’offrit à sa vue qu’un homme qui lui était étranger, et ce qui lui parut encore plus inexplicable, c’est que, d’après la manière dont son corps était peint, il paraissait être un guerrier huron. Mais, au lieu de prendre place parmi ses concitoyens, il s’était assis seul dans un coin, la tête penchée sur sa poitrine, et accroupi comme s’il eût voulu occuper le moins de place possible.

Quand chacun eut pris la place qui lui appartenait, un profond silence s’établit dans l’assemblée, et le chef à cheveux gris dont il a été parlé adressa la parole à Uncas en se servant de la langue des Delawares.

— Delaware, lui dit-il, quoique vous soyez d’une nation de femmes, vous avez prouvé que vous êtes un homme. Je vous offrirais volontiers à manger ; mais celui qui mange avec un Huron devient son ami. Reposez-vous jusqu’au soleil de demain, et vous entendrez les paroles du conseil.

— J’ai jeûné sept nuits de longs jours d’été en suivant les traces des Hurons, répondit Uncas ; les enfants des Lenapes savent