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Furieuse du calme du prisonnier, la vieille dont nous avons déjà parlé s’appuya les mains sur les côtés, prit une attitude qui annonçait la rage dont elle était animée, et vomit de nouveau un torrent d’invectives, que nous essaierions vainement de retracer sur le papier. Mais, quoiqu’elle eût une longue expérience dans l’art d’insulter les malheureux captifs, et qu’elle se fût fait une réputation en ce genre dans sa peuplade, elle eût beau s’emporter jusqu’à un excès de fureur qui lui faisait sortir l’écume de la bouche, elle ne put faire mouvoir un seul muscle du visage de celui qu’elle voulait tourmenter.

Le dépit occasionné par cet air d’insouciance commença à se communiquer à d’autres spectateurs. Un jeune homme, qui, sortant à peine de l’enfance, avait pris place tout récemment parmi les guerriers de sa nation, vint à l’aide de la sorcière, et voulut intimider leur victime par de vaines bravades, et en faisant brandir son tomahawk sur sa tête. Le prisonnier tourna la tête vers lui, le regarda avec un air de pitié méprisante, et reprit l’attitude tranquille qu’il avait constamment maintenue jusqu’alors. Mais le mouvement qu’il avait fait lui avait permis de fixer un instant ses yeux fermes et perçants sur ceux de Duncan, et celui-ci avait reconnu en lui le jeune Mohican Uncas.

Frappé d’une surprise qui lui laissait à peine la faculté de respirer, et frémissant de la situation critique dans laquelle se trouvait son ami, Heyward baissa les yeux, de crainte que leur expression n’accélérât le sort du prisonnier, qui pourtant ne paraissait avoir rien à redouter, du moins en ce moment.

Presque au même instant, un guerrier, poussant de côté assez rudement les femmes et les enfants, s’ouvrit un chemin à travers la foule, prit Uncas par le bras, et le fit entrer dans la grande cabane. Ils y furent suivis par tous les chefs et par tous les guerriers les plus distingués de la peuplade, et Heyward, guidé par l’inquiétude, trouva le moyen de se glisser parmi eux, sans attirer sur lui une attention qui aurait pu être dangereuse.

Les Hurons passèrent quelques minutes à se ranger d’après le rang qu’ils occupaient dans leur nation, et l’influence dont ils jouissaient. L’ordre qui fut observé en cette occasion était à peu près le même qui avait eu lieu lorsque Heyward avait paru devant eux. Les vieillards et les principaux chefs étaient assis au centre de l’appartement, partie qui était plus éclairée que le reste par la