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alors que le jeune captif conservait encore son étonnante activité et des forces qui paraissaient inépuisables.

Tout à coup la foule se porta en arrière, et s’approcha de l’endroit où le major continuait à rester. Quelques sauvages voulurent passer à travers un groupe nombreux de femmes et d’enfants, dont ils renversèrent quelques-uns, et au milieu de cette confusion il vit reparaître le captif. Les forces humaines ne pouvaient pourtant résister encore bien longtemps à une épreuve si terrible, et l’infortuné semblait le sentir lui-même. Animé par le désespoir, il traversa un groupe de guerriers confondus de son audace, et bondissant comme un faon, il fit, ce qui parut à Duncan, un dernier effort pour gagner la forêt. Comme s’il eût su qu’il n’avait aucun danger à redouter de la part du jeune officier anglais, le fugitif passa si près de lui qu’il toucha ses vêtements en courant.

Un sauvage d’une taille gigantesque le poursuivait, le tomahawk levé, et menaçait de lui donner le coup de la mort, quand Duncan, voyant le péril imminent du prisonnier, allongea le pied comme par hasard, le plaça, entre les jambes du Huron, et celui-ci tomba presque sur les talons de celui qu’il poursuivait. Le fugitif profita de cet avantage, et tout en lançant un coup d’œil vers Duncan, il disparut comme un météore. Heyward le chercha de tous côtés, et, ne pouvant le découvrir, il se flattait qu’il avait réussi à se sauver dans les bois, quand tout à coup il l’aperçut tranquillement appuyé contre un poteau peint de diverses couleurs, placé près de la porte de la principale cabane.

Craignant qu’on ne s’aperçût de l’assistance qu’il avait donnée si à propos au fugitif, et que cette circonstance ne lui devînt fatale à lui-même, Duncan avait changé de place dès qu’il avait vu tomber le sauvage qui menaçait celui à qui il prenait tant d’intérêt sans le connaître. En ce moment il se mêla parmi la foule qui se réunissait autour des habitations avec un air aussi mécontent que la populace assemblée pour voir l’exécution d’un criminel, quand elle apprend qu’il a obtenu un sursis.

Un sentiment inexplicable, plus fort que la curiosité, le portait à s’approcher du prisonnier ; mais il aurait fallu s’ouvrir un passage presque de vive force dans les rangs d’une multitude serrée, ce qu’il ne jugea pas prudent dans la situation où il se trouvait lui-même. Il vit cependant, à quelque distance, que le captif avait un bras passé autour du poteau qui faisait sa protection, évidemment