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suivit la déclaration que Duncan venait de faire de la qualité en laquelle il se présentait, ou pour mieux dire du rôle qu’il se proposait de jouer. Mais en même temps, et comme pour juger de la vérité ou de la fausseté de ce qu’il venait de dire, tous les yeux se fixèrent sur lui avec un air d’attention et de pénétration qui lui donna des inquiétudes sérieuses sur le résultat de cet examen. Enfin le même Huron reprit la parole.

— Les hommes habiles du Canada se peignent-ils la peau ? lui demanda-t-il froidement ; nous les avons entendus se vanter d’avoir le visage pâle.

— Quand un chef indien vient parmi ses pères les blancs, répondit Heyward, il quitte sa peau de buffle pour prendre la chemise qui lui est offerte : mes frères indiens m’ont donné cette peinture, et je la porte par affection pour eux.

Un murmure d’approbation annonça que ce compliment fait aux Indiens était reçu favorablement. Le chef fit un geste de satisfaction en étendant la main ; la plupart de ses compagnons l’imitèrent, et une exclamation générale servit d’applaudissement à l’orateur. Duncan commença à respirer plus librement, croyant se sentir déchargé du poids de cet examen embarrassant ; et comme il avait déjà préparé une histoire simple et plausible à l’appui de son innocente imposture, il se livra à l’espoir de réussir dans son entreprise.

Un autre guerrier se leva, et après un silence de quelques instants, comme s’il eût réfléchi pour répondre convenablement à ce que l’étranger venait de dire, il fit un geste pour annoncer qu’il allait parler. Mais à peine avait-il entr’ouvert ses lèvres qu’un bruit sourd, mais effrayant, partit de la forêt, et presque au même instant il fut remplacé par un cri aigu et perçant prolongé, de manière à ressembler au hurlement plaintif d’un loup.

À cette interruption soudaine, qui excita visiblement toute l’attention des Indiens, Duncan se leva en tressaillant, tant avait fait d’impression sur lui ce cri épouvantable, quoiqu’il n’en connût ni la cause ni la nature. Au même instant tous les guerriers se précipitèrent hors de la cabane, et remplirent l’air de grands cris qui étouffaient presque les sons affreux que le major entendait encore de temps en temps retentir dans les bois.

Ne pouvant plus résister au désir de savoir ce qui se passait, il sortit à son tour de la hutte, et se trouva sur-le-champ au milieu