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Une torche brûlait dans cet appartement, et réfléchissait successivement une lueur rouge sur toutes les physionomies de ces Indiens, suivant que les courants d’air en portaient la flamme d’un côté ou d’un autre. Duncan en profita pour tâcher de reconnaître sur leur visage à quelle espèce d’accueil il devait s’attendre ; mais il n’était pas en état de lutter contre la froide astuce des sauvages avec lesquels il se trouvait.

Les chefs, placés en face de lui, dirigèrent à peine un coup d’œil de son côté : ils restaient les yeux fixés vers la terre, dans une attitude qu’on aurait pu prendre pour du respect, mais qu’il était facile d’attribuer à la méfiance. Ceux des Indiens qui se trouvaient dans l’ombre étaient moins réservés ; et Duncan les surprit plus d’une fois jetant sur lui à la dérobée un regard curieux et pénétrant ; et dans le fait il n’avait pas un seul trait de son visage, il ne faisait pas un geste, il ne remuait pas un muscle, qui n’attirassent leur attention, et dont ils ne tirassent quelque conclusion.

Enfin un homme dont les cheveux commençaient à grisonner, mais dont les membres nerveux, la taille droite et le pas assuré annonçaient qu’il avait encore toute la vigueur de l’âge mûr, s’avança d’un des bouts de l’appartement où il était resté, probablement pour faire ses observations sans être vu, et s’adressant à Heyward, il lui parla en se servant de la langue des Wyandots ou Hurons. Son discours était par conséquent inintelligible pour le major, quoique d’après les gestes qui l’accompagnaient il crût y reconnaître un ton de politesse plutôt que de courroux. Il fit donc quelques gestes pour lui faire comprendre qu’il ne connaissait pas cette langue.

— Aucun de mes frères ne parle-t-il français ou anglais ? demanda ensuite Duncan en français, en regardant tour à tour ceux qui se trouvaient près de lui, dans l’espoir que quelqu’un d’entre eux lui répondrait.

La plupart se tournèrent vers lui comme pour l’écouter avec plus d’attention ; mais il n’obtint de réponse de personne.

— Je serais fâché de croire, dit Heyward toujours en français, et en parlant lentement dans l’espoir d’être mieux compris, que dans cette brave et sage nation il ne se trouve personne qui entende la langue dont le grand monarque se sert quand il parle à ses enfants. Il aurait un poids sur le cœur, s’il pensait que ses guerriers rouges aient si peu de respect pour lui.