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un chemin qui offre bien des dangers ; car un ami dont le visage s’est détourné de vous est souvent plus mal intentionné que l’ennemi qui en veut ouvertement à votre chevelure.

— Expliquez-vous, dit Duncan.

— Ce serait une histoire aussi triste que longue, et à laquelle je n’aime pas à penser, répondit le chasseur ; car on ne peut nier que le mal n’ait été principalement fait par des hommes à peau blanche. Le résultat en est que les frères ont levé leurs tomahawks les uns contre les autres, et que les Mingos et les Delawares se sont trouvés côte à côte sur le même sentier.

— Et vous croyez que c’est avec une partie de cette dernière nation que Cora se trouve en ce moment ? demanda Heyward.

Œil-de-Faucon ne répondit que par un signe affirmatif, et parut désirer de mettre fin à une conversation sur un sujet qui lui était pénible. L’impatient Duncan s’empressa alors de proposer d’employer pour la délivrance des deux sœurs des moyens impraticables, et qui ne pouvaient être suggérés et adoptés que par le désespoir. Munro parut secouer son accablement pour écouter les projets extravagants du jeune major avec un air de déférence, et il sembla y donner une approbation que son jugement et ses cheveux blancs auraient refusée en toute autre circonstance. Mais le chasseur, après avoir attendu patiemment que la première ardeur de l’amant s’évaporât un peu, vint à bout de le convaincre de la folie qu’il y aurait à adopter des mesures précipitées et plus que hasardeuses dans une affaire qui exigeait autant de sang-froid et de prudence que de courage et de détermination.

— Voici ce qu’il y a de mieux à faire, ajouta-t-il : que ce chanteur retourne chanter chez les Indiens ; qu’il informe les deux jeunes dames que nous sommes dans les environs, et qu’il vienne nous rejoindre pour se concerter avec nous quand nous lui en donnerons le signal. Vous qui êtes musicien, l’ami, vous êtes sûrement en état de distinguer le cri du corbeau de celui du whip- poor-will[1] ?

— Bien certainement. Celui-ci est un oiseau dont la voix est douce et mélancolique ; et quoiqu’elle n’ait que deux notes mal cadencées, elle n’a rien de désagréable.

— Il veut parler du wish-ton-wish, dit le chasseur. — Eh bien !

  1. Whip-poor-will ; c’est le nom local d’une espèce d’émérillon (petit rapace diurne du genre des faucons, que l’on dressait autrefois pour la chasse) particulière à l’Amérique.