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droite, saisit son tueur de daims de la gauche, et releva au-dessus de sa tête en le brandissant comme pour narguer les ennemis. Les Hurons répondirent à cette insulte, d’abord par des hurlements de fureur, et presque au même instant par une seconde décharge de leurs mousquets. Une balle perça le bord du canot ; et l’on entendit les autres tomber dans l’eau à peu de distance. On n’aurait pu découvrir en ce moment critique aucune trace d’émotion sur le visage des deux Mohicans ; leurs traits n’exprimaient ni crainte ni espérance ; leur rame était le seul objet qui parût les occuper. Œil-de-Faucon tourna la tête vers Heyward et lui dit en souriant :

— Les oreilles des coquins aiment à entendre le bruit de leurs fusils ; mais il n’y a point parmi les Mingos un œil qui soit capable de bien ajuster dans un canot qui danse sur l’eau. Vous voyez que les chiens de démons ont été obligés de diminuer le nombre de leurs rameurs pour pouvoir charger et tirer, et en calculant au plus bas, nous avançons de trois pieds pendant qu’ils en font deux.

Heyward, qui ne se piquait pas de si bien calculer les degrés de vitesse relative des deux canots, n’était pas tout à fait aussi tranquille que ses compagnons ; cependant il reconnut bientôt que, grâce aux efforts et à la dextérité de ceux-ci, et à la soif du sang qui tourmentait les autres, ils avaient véritablement gagné quelque chose sur leurs ennemis.

Les Hurons firent feu une troisième fois, et une balle toucha la rame du chasseur à vingt lignes de sa main.

— À merveille ! dit-il après avoir examiné avec attention l’endroit que la balle avait frappé ; elle n’aurait pas entamé la peau d’un enfant, bien moins encore celle de gens endurcis par les fatigues, comme nous le sommes. Maintenant, major, si vous voulez remuer cette rame, mon tueur de daims ne sera pas fâché de prendre part à la conversation.

Duncan saisit la rame, et s’en servit avec une ardeur qui suppléa à ce qui pouvait lui manquer du côté de l’expérience. Cependant le chasseur avait pris son fusil, et après en avoir renouvelé l’amorce, il coucha en joue un Huron, qui se disposait de son côté à tirer. Le coup partit, et le sauvage tomba à la renverse, laissant échapper son fusil dans l’eau. Il se releva pourtant presque au même instant ; mais ses mouvements et ses gestes prouvaient qu’il était grièvement blessé. Ses camarades, abandonnant leurs