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raient manœuvrer de manière à nous donner de l’embarras, à la longue.

Le chasseur ne se trompait pas ; car lorsque les Hurons virent que la ligne qu’ils suivaient les conduirait fort en arrière du canot qu’ils cherchaient à atteindre, ils en décrivirent une plus oblique, et bientôt les deux canots se trouvèrent voguant parallèlement à environ cent toises de distance l’un de l’autre. Ce fut alors une sorte de défi de vitesse, chacun des deux canots cherchant à prendre l’avance sur l’autre, l’un pour attaquer, l’autre pour échapper. Ce fut sans doute par suite de la nécessité où ils étaient de ramer que les Hurons ne firent pas feu sur-le-champ ; mais ils avaient l’avantage du nombre, et les efforts de ceux qu’ils poursuivaient ne pouvaient durer longtemps. Duncan en ce moment vit avec inquiétude le chasseur regarder autour de lui avec une sorte d’embarras, comme s’il eût cherché quelque nouveau moyen pour accélérer ou assurer leur fuite.

— Éloignez-vous encore un peu plus du soleil, Sagamore, dit Œil-de-Faucon ; je vois un de ces coquins quitter la rame, et c’est sans doute pour prendre un fusil. Un seul membre atteint parmi nous pourrait leur valoir nos chevelures. — Encore plus à gauche, Sagamore ; mettons cette île entre eux et nous.

Cet expédient ne fut pas inutile ; car, tandis qu’ils passaient sur la gauche d’une longue île couverte de bois, les Hurons, désirant se maintenir sur la même ligne, furent obligés de prendre la droite. Le chasseur et ses compagnons ne négligèrent pas cet avantage, et dès qu’ils furent hors de la portée de la vue de leurs ennemis, ils redoublèrent des efforts qui étaient déjà prodigieux. Les deux canots arrivèrent enfin à la pointe septentrionale de l’île comme deux chevaux de course qui terminent leur carrière ; cependant les fugitifs étaient en avance, et les Hurons, au lieu de décrire une ligne parallèle, les suivaient par derrière, mais à moins de distance.

— Vous vous êtes montré connaisseur en canots, Uncas, en choisissant celui-ci parmi ceux que les Hurons avaient laissés près de William-Henry, dit le chasseur en souriant et plus satisfait de la supériorité de son esquif que de l’espoir qu’il commençait à concevoir d’échapper aux sauvages. Les coquins ne songent plus qu’à ramer, et au lieu de plomb et de poudre, c’est avec des morceaux de bois plats qu’il nous faut défendre nos chevelures.