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que ceux qui étaient inspirés par l’expérience et la sagesse plus mûre de son père, et bien loin de montrer quelque impatience de parler, chacun des orateurs ne réclamait la parole pour répondre à ce qui venait d’être dit qu’après avoir consacré quelques minutes à réfléchir en silence sur ce qu’il venait d’entendre et sur ce qu’il devait répliquer.

Le langage des Mohicans était accompagné de gestes si naturels et si expressifs, qu’il ne fut pas très difficile à Heyward de suivre le fil de leurs discours. Ceux du chasseur lui parurent plus obscurs, parce que celui-ci, par suite de l’orgueil secret que lui inspirait sa couleur, affectait ce débit froid et inanimé qui caractérise toutes les classes d’Anglo-Américains quand ils ne sont pas émus par quelque passion. La fréquente répétition des signes par lesquels les deux Indiens désignaient les différentes marques de passage qu’on peut trouver dans une forêt, prouvait qu’ils insistaient pour continuer la route par terre, tandis que le bras d’Œil-de-Faucon, plusieurs fois dirigé vers l’Horican, semblait indiquer, qu’il était d’avis de voyager par eau.

Le chasseur paraissait pourtant céder, et la question était sur le point d’être décidée contre lui, quand tout à coup il se leva, et secouant son apathie, il prit toutes les manières et employa toutes les ressources de l’éloquence indienne. Traçant un demi-cercle en l’air, d’orient en occident, pour indiquer le cours du soleil, il répéta ce signe autant de fois qu’il jugeait qu’il leur faudrait de jours pour faire leur voyage dans les bois. Alors il traça sur la terre une longue ligne tortueuse, indiquant en même temps par ses gestes les obstacles que leur feraient éprouver les montagnes et les rivières. Il peignit, en prenant un air de fatigue, l’âge et la faiblesse de Munro qui était en ce moment enseveli dans le sommeil, et parut même ne pas avoir une très haute idée des moyens physiques de Duncan pour surmonter tant de difficultés ; car celui-ci s’aperçut qu’il était question de lui quand il vit le chasseur étendre la main, et qu’il l’entendit prononcer les mots la Main-Ouverte, surnom que la générosité du major lui avait fait donner par toutes les peuplades d’Indiens amis. Il imita ensuite le mouvement léger d’un canot fendant les eaux d’un lac à l’aide de la rame, et en établit le contraste, en contrefaisant la marche, lente d’un homme, fatigué. Enfin, il termina par étendre le bras vers la chevelure de l’Onéida, probablement pour faire sentir la