Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mohicans était une des branches les plus anciennes et les plus distinguées.

C’était donc avec une connaissance parfaite des intérêts contraires qui avaient armé des amis les uns contre les autres et qui avaient décidé des ennemis naturels à devenir les alliés d’un même parti, que le chasseur et ses deux compagnons se disposèrent à délibérer sur la manière dont ils concerteraient leurs mouvements au milieu de tant de races de sauvages. Duncan connaissait assez les coutumes des Indiens pour savoir pourquoi le feu avait été alimenté de nouveau, et pourquoi les deux Mohicans et même le chasseur s’étaient gravement assis sous un dais de fumée : se plaçant dans un endroit où il pourrait être spectateur de cette scène, sans cesser d’avoir l’oreille attentive au moindre bruit qui pourrait se faire entendre dans la plaine, il attendit le résultat de la délibération avec toute la patience dont il put s’armer.

Après un court intervalle de silence, Chingachgook alluma une pipe dont le godet était une pierre tendre du pays, très artistement taillée, et le tuyau un tube de bois. Après avoir fumé quelques instants, il la passa à Œil-de-Faucon, qui en fit autant et la remit ensuite à Uncas. La pipe avait ainsi fait trois fois le tour de la compagnie, au milieu du silence le plus profond, avant que personne parût songer à ouvrir la bouche. Enfin Chingachgook, comme le plus âgé et le plus élevé en rang, prit la parole, fit l’exposé du sujet de la délibération, et donna son avis en peu de mots avec calme et dignité. Le chasseur lui répondit, le Mohican répliqua, son compagnon fit de nouvelles objections, mais le jeune Uncas écouta dans un silence respectueux, jusqu’à ce qu’Œil-de-Faucon lui eût demandé son avis. D’après le ton et les gestes des orateurs, Heyward conclut que le père et le fils avaient embrassé la même opinion, et que leur compagnon blanc en soutenait une autre. La discussion s’échauffait peu à peu, et il était évident que chacun tenait fortement à son avis.

Mais malgré la chaleur croissante de cette contestation amicale, l’assemblée chrétienne la mieux composée, sans même en excepter ces synodes où il ne se trouve que de révérends ministres de la parole divine, aurait pu puiser une leçon salutaire de modération dans la patience et la courtoisie des trois individus qui discutaient ainsi. Les discours d’Uncas furent écoutés avec la même attention