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est ordinairement vrai ; mais quand ce qu’il dit est confirmé par un autre, on peut le regarder comme paroles d’évangile.

— Le pauvre diable s’est mépris, dit Heyward ; il nous a pris pour des Français ; il n’aurait pas attaqué les jours d’un ami.

— Prendre un Mohican, peint des couleurs de sa nation, pour un Huron ! s’écria le chasseur ; autant voudrait dire qu’on pourrait prendre les habits blancs des grenadiers de Montcalm pour les vestes rouges des Anglais. Non, non ; le reptile savait bien ce qu’il faisait, et il n’y a pas eu de méprise dans cette affaire, car il n’y a pas beaucoup d’amitié perdue entre un Mingo et un Delaware, n’importe du côté de quels blancs leurs peuplades soient rangées. Et quant à cela, quoique les Onéidas servent Sa Majesté le roi d’Angleterre, qui est mon souverain et mon maître, mon tueur de daims n’aurait pas délibéré longtemps pour envoyer une dragée à cette vermine, si mon bonheur me l’avait fait rencontrer sur mon chemin.

— C’eût été violer nos traités et agir d’une manière indigne de vous.

— Quand un homme vit longtemps avec d’autres hommes, s’il n’est pas coquin et que les autres soient honnêtes, l’affection finit par s’établir entre eux. Il est vrai que l’astuce des blancs a réussi à jeter la confusion dans les peuplades en ce qui concerne les amis et les ennemis ; car les Hurons et les Onéidas, parlant la même langue, et qu’on pourrait dire être la même nation, cherchent à s’enlever la chevelure les uns aux autres ; et les Delawares sont divisés entre eux, quelques-uns restant autour du feu de leur grand conseil sur les bords de leur rivière, et combattant pour la même cause que les Mingos, tandis que la plupart d’entre eux sont allés dans le Canada, par suite de leur haine naturelle contre ces mêmes Mingos. Cependant il n’est pas dans la nature d’une Peau-Rouge de changer de sentiments à tout coup de vent, et c’est pourquoi l’amitié d’un Mohican pour un Mingo est comme celle d’un homme blanc pour un serpent.

— Je suis fâché de vous entendre parler ainsi, car je croyais que les naturels qui habitent les environs de nos établissements nous avaient trouvés trop justes pour ne pas s’identifier complètement à nos querelles.

— Ma foi, je crois qu’il est naturel de donner à ses propres querelles la préférence sur celles des étrangers. Quant à moi, j’aime