Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appuyant le pied plus que le sauvage naturel, parce qu’un ivrogne a besoin d’une base plus solide, que sa peau soit rouge ou blanche. C’est justement la même longueur et la même largeur. Examinez à votre tour, Sagamore ; vous avez mesuré plus d’une fois les traces de cette vermine, quand nous nous sommes mis à sa poursuite depuis le rocher de Glenn jusqu’à la source de Santé.

Chingachgook s’agenouilla à son tour, et après un court examen il se releva, et prononça d’un air grave, quoique avec un accent étranger, le mot Magua.

— Oui, dit Œil-de-Faucon, c’est une chose décidée ; la jeune dame aux cheveux noirs et Magua ont passé par ici.

— Et Alice ? demanda Heyward en tremblant.

— Nous n’en avons encore aperçu aucune trace, répondit le chasseur tout en examinant avec attention les arbres, les buissons et la terre. Mais que vois-je là-bas ? Uncas, allez chercher ce qui est par terre, près de ce buisson d’épines.

Le jeune Indien obéit à l’instant, et dès qu’il eut remis au chasseur l’objet qu’il venait de ramasser, celui-ci le montra à ses compagnons en riant de bon cœur, mais d’un air de dédain.

— C’est le joujou, le sifflet de notre chanteur, dit-il ; il a donc passé par ici, et maintenant nous aurons des traces qu’un prêtre même pourrait suivre. Uncas, cherchez les marques d’un soulier assez long et assez large pour contenir un pied capable de soutenir une masse de chair mal bâtie, de six pieds deux pouces de hauteur. Je commence à ne pas désespérer de ce bélître puisqu’il a abandonné ce brimborion, peut-être pour commencer un métier plus utile.

— Du moins il a été fidèle à son poste, dit Heyward, et Cora et Alice ont encore un ami auprès d’elles.

— Oui, dit Œil-de-Faucon en appuyant par terre la crosse de son fusil et en baissant la tête sur le canon avec un air de mépris évident ; un ami qui sifflera tant qu’elles le voudront. Mais tuera-t-il un daim pour leur dîner ? Reconnaîtra-t-il son chemin par la mousse des arbres ? Coupera-t-il le cou d’un Huron pour les défendre ? S’il ne peut rien faire de tout cela, le premier oiseau-moqueur[1] qu’il rencontrera est aussi adroit que lui. Eh bien !

  1. Les talents de l’oiseau-moqueur d’Amérique sont généralement connus ; mais le véritable oiseau-moqueur ne se trouve pas aussi loin vers le nord que l’État de New-York, où il a cependant deux substituts de mérite inférieur : le cat-bird (oiseau-chat, ainsi nommé parce qu’il imite le miaulement d’un petit chat), souvent cité par le chasseur, et l’oiseau vulgairement nommé groum-thresher. Ces deux derniers oiseaux sont supérieurs au rossignol et à l’alouette, quoique en général les oiseaux d’Amérique ne soient pas aussi harmonieux que les oiseaux d’Europe.