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bois, dit tranquillement Œil-de-Faucon, et nous n’en serons que plus sûrs de ne pas perdre leurs traces. Maintenant je gagerais cinquante peaux de castor contre cinquante pierres à fusil, que les Mohicans et moi nous trouverons les wigwams des coquins avant qu’un mois soit écoulé. — Baissez-vous, Uncas, et voyez si vous ne pourrez rien faire de ce mocassin ; car c’est évidemment la marque d’un mocassin, et non celle d’un soulier.

Le jeune Mohican s’agenouilla, écarta avec beaucoup de précaution quelques feuilles sèches qui auraient gêné son examen, qu’il fit avec autant de soin qu’un avare considère une pièce d’or qui lui semble suspecte. Enfin il se releva d’un air qui annonçait qu’il était satisfait du résultat de ses recherches.

— Eh bien ! demanda le chasseur, que vous a-t-il dit ? En avez-vous pu faire quelque chose ?

— C’est le Renard-Subtil.

— Encore ce maudit rôdeur ! Nous n’en serons, débarrassés que lorsque mon tueur de daims aura pu lui dire un mot d’amitié.

Cette annonce parut à Heyward un présage de nouveaux malheurs, et quoiqu’il fût porté à en admettre la vérité, il exprima des doutes dans lesquels il trouvait une consolation.

— Il peut y avoir ici quelque méprise, dit-il : un mocassin est si semblable à un autre !

— Un mocassin semblable à un autre ! s’écria Œil-de-Faucon ; autant vaudrait dire que tous les pieds se ressemblent, et cependant tout le monde sait qu’il y en a de longs et de courts, de larges et d’étroits ; que ceux-ci ont le cou-de-pied plus haut, ceux-là plus bas ; que les uns marchent en dehors, les autres en dedans. Les mocassins ne se ressemblent pas plus que les livres, quoique ceux qui lisent le mieux dans ceux-ci ne soient pas les plus capables de bien distinguer ceux-là. Tout cela est ordonné pour le mieux, afin de laisser à chacun ses avantages naturels. Faites-moi place, Uncas ; qu’il s’agisse de livres ou de mocassins, deux opinions valent toujours mieux qu’une.

Il se baissa à son tour, examina la trace avec attention, et se releva au bout de quelques instants.

— Vous avez raison, Uncas, dit-il : c’est la trace que nous avons vue si souvent l’autre jour, quand nous lui donnions la chasse, et le drôle ne manquera jamais de boire quand il en trouvera l’occasion. Vos Indiens buveurs marchent toujours en étalant et en