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CHAPITRE XVIII


Eh ! n’importe quoi : un meurtrier honorable si vous voulez ; car je ne fis rien par haine, mais bien en tout honneur.
ShakspeareOthello


La scène barbare et sanglante que nous avons à peine esquissée dans le chapitre précédent porte, dans les annales des colonies, un titre bien mérité, — le massacre de William-Henry. — Un événement de cette nature, arrivé peu de temps auparavant, avait déjà compromis la réputation du général français ; sa mort glorieuse et prématurée n’a pu même effacer entièrement cette tache, dont cependant le temps a affaibli l’impression. Montcalm mourut en héros dans les plaines d’Abraham ; mais on n’a pas oublié qu’il lui manquait ce courage moral sans lequel il n’est point de véritable grandeur. On pourrait écrire un volume pour prouver, d’après cet illustre exemple, l’imperfection des vertus humaines ; démontrer combien il est aisé aux sentiments les plus généreux, la courtoisie et le courage chevaleresque, de perdre leur ascendant sous la froide influence des faux calculs et de l’intérêt personnel : on pourrait en appeler à cet homme, qui fut grand dans tous les attributs secondaires de l’héroïsme, mais qui resta au-dessous de lui-même quand il devint nécessaire de prouver combien un principe est supérieur à la politique. Ce serait une tâche qui excéderait les bornes de nos prérogatives de romancier ; et comme l’histoire, de même que l’amour, se complaît à entourer ses héros d’une auréole imaginaire, il est probable que la postérité ne verra dans Louis de Saint-Véran que le vaillant défenseur de son pays, et qu’elle oubliera son apathie cruelle sur les rives de l’Oswego et de l’Horican. Déplorant avec douleur cette faiblesse de la muse de l’histoire, nous nous retirerons de l’enceinte sacrée de ses domaines pour rentrer dans les sentiers plus humbles de la fiction.

Le troisième jour après la reddition du fort allait finir, cependant il faut que nos lecteurs nous accompagnent encore dans le voisinage du Saint-Lac. Quand nous l’avons quitté, tous les envi-