Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’aurore commençant à poindre lorsqu’il y entra, il ordonna que le tambour donnât le signal pour éveiller toute l’armée.

Dès que le premier coup de baguettes eut été donné dans le camp des Français, ceux du fort y répondirent, et presque au même instant les sons d’une musique vive et guerrière se firent entendre dans toute la vallée, et couvrirent cet accompagnement bruyant. Les cors et les clairons des vainqueurs ne cessèrent de sonner de joyeuses fanfares que lorsque le dernier traîneur fut sous les armes ; mais dès que les fifres du fort eurent donné le signal de la reddition, tout rentra dans le silence au camp.

Pendant ce temps, le jour avait paru, et lorsque l’armée française se fut formée en ligne pour attendre son général, les rayons du soleil en faisaient étinceler toutes les armes. La capitulation, déjà généralement connue, fut alors officiellement annoncée, et la compagnie destinée à garder les portes du fort conquis défila devant son chef ; le signal de la marche fut donné, et tous les préparatifs nécessaires pour que le fort changeât de maîtres se firent en même temps des deux côtés, quoique avec des circonstances qui rendaient la scène bien différente.

Dès que le signal de l’évacuation du fort eut été donné, toutes les lignes de l’armée anglo-américaine présentèrent les signes d’un départ précipité et forcé. Les soldats jetaient sur leur épaule, d’un air sombre, leur fusil non chargé, puis formaient leurs rangs en hommes dont le sang avait été échauffé par la résistance qu’ils avaient opposée à l’ennemi, et qui ne désiraient que l’occasion de se venger d’un affront qui blessait leur fierté, quoique l’humiliation en fut adoucie par la permission qui leur avait été accordée de sortir avec tous les honneurs militaires. Les femmes et les enfants couraient çà et là, les uns portant les restes peu lourds de leur bagage, les autres cherchant dans les rangs ceux sur la protection desquels ils devaient compter.

Munro se montra au milieu de ses troupes silencieuses avec un air de fermeté, mais d’accablement. Il était manifeste que la reddition inattendue du fort était un coup qui l’avait frappé au cœur, quoiqu’il tâchât de le supporter avec la mâle résolution d’un guerrier.

Heyward fut profondément ému. Il s’était acquitté de tous les devoirs qu’il avait à remplir, et il s’approcha du vieillard pour lui demander en quoi il pourrait maintenant être utile.