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que vous en montrez, avant qu’il se passe une semaine, je renverrais tous ces Français au fond de leur Canada, hurlant comme des chiens à l’attache ou comme des loups affamés. Mais allons, continua-t-il en s’adressant à ses autres compagnons, partons avant que le brouillard arrive jusqu’à nous ; il continue de s’épaissir, et il servira à masquer notre marche. S’il m’arrive quelque accident, souvenez-vous de conserver toujours le vent sur la joue gauche, ou plutôt suivez les Mohicans, car ils ont un instinct qui leur fait connaître leur route la nuit comme le jour.

Il leur fit signe de la main de le suivre, et se mit à descendre la montagne d’un pas agile, mais avec précaution. Heyward aida la marche timide des deux sœurs ; et ils arrivèrent au bas de la montagne avec moins de fatigue, et en beaucoup moins de temps qu’ils n’en avaient mis à la gravir.

Le chemin que le chasseur avait pris conduisit les voyageurs presque en face d’une poterne placée à l’ouest du fort, qui n’était guère qu’à un demi-mille de l’endroit où il s’était arrêté pour donner à Heyward le temps de le rejoindre avec ses deux compagnes. Favorisés par la nature du terrain et excités par leur empressement, ils avaient devancé la marche du brouillard qui couvrait alors tout l’Horican, et qu’un vent très faible chassait lentement de leur côté : il devint donc nécessaire d’attendre que les vapeurs eussent étendu leur manteau sombre sur le camp des ennemis. Les deux Mohicans profitèrent de ce moment de délai pour avancer vers la lisière du bois et reconnaître ce qui se passait au dehors. Œil-de-Faucon les suivit quelques instants après, afin de savoir plus vite ce qu’ils auraient vu, et d’y ajouter ses observations personnelles.

Son absence ne fut pas longue ; il revint rouge de dépit, et exhala sur-le-champ son mécontentement en ces termes :

— Les rusés chiens de Français ont placé justement sur notre chemin un piquet de Peaux-Rouges et de Peaux Blanches ! Et comment savoir, pendant le brouillard, si nous passerons à côté ou au beau milieu ?

— Ne pouvons-nous faire un détour pour éviter l’endroit dangereux ? demanda Heyward, sauf à rentrer ensuite dans le bon chemin.

— Quand on s’écarte une fois, pendant un brouillard, de la ligne qu’on doit suivre, répondit le chasseur, qui peut savoir quand et