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conduisit ses compagnons à grands pas, jusqu’à ce qu’ils se trouvassent ensevelis dans l’ombre épaisse que jetaient leurs sommets élevés et escarpés. La route qu’ils suivaient était pénible, car la vallée était parsemée d’énormes blocs de rochers, coupée par de profonds ravins, et ces divers obstacles, se présentant à chaque pas, ralentissaient nécessairement leur marche. Il est vrai que d’une autre part les hautes montagnes qui les entouraient les indemnisaient de leurs fatigues en leur inspirant un sentiment de sécurité.

Enfin ils commencèrent à gravir un sentier étroit et pittoresque qui serpentait entre des arbres et des pointes de rochers ; tout annonçait qu’il n’avait pu être pratiqué, et qu’il ne pouvait être reconnu que par des gens habitués à la nature la plus sauvage. À mesure qu’ils s’élevaient au-dessus du niveau de la vallée, l’obscurité qui régnait autour d’eux devenait moins profonde, et les objets commencèrent à se dessiner à leurs yeux sous leurs couleurs véritables. Quand ils sortirent des bois formés d’arbres rabougris qui puisaient à peine quelques gouttes de sève dans les flancs arides de cette montagne, ils arrivèrent sur une plate-forme couverte de mousse qui en faisait le sommet, et ils virent les brillantes couleurs du matin se montrer à travers les pins qui croissaient sur une montagne située de l’autre côté de la vallée de l’Horican.

Le chasseur dit alors aux deux sœurs de descendre de cheval, et débarrassant de leurs selles et de leurs brides ces animaux fatigués, il leur laissa la liberté de se repaître où bon leur semblerait du peu d’herbe et de branches d’arbrisseaux qu’on voyait en cet endroit.

— Allez, leur dit-il, et cherchez votre nourriture où vous pourrez la trouver ; mais prenez garde de devenir vous-mêmes la pâture des loups affamés qui rôdent sur ces montagnes.

— N’aurons-nous plus besoin d’eux ? demanda Heyward ; si l’on nous poursuivait ?

— Voyez et jugez par vos propres yeux, répondit Œil-de-Faucon en s’avançant vers l’extrémité orientale de la plate-forme, et en faisant signe à ses compagnons de le suivre. S’il était aussi aisé de voir dans le cœur de l’homme que de découvrir d’ici tout ce qui se passe dans le camp de Montcalm, les hypocrites deviendraient rares, et l’astuce d’un Mingo serait reconnue aussi facilement que l’honnêteté d’un Delaware.