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avec un redoublement d’attention, comme si sa vue eût pu percer à travers l’épaisseur du bois et en dépit de l’obscurité, pour voir les sauvages qu’il entendait.

Le silence se rétablit parmi eux, et le ton grave de celui qui prit la parole annonça que c’était le chef de la troupe qui parlait, et qui donnait des ordres qu’on écoutait avec respect. Quelques instants après, le bruit des feuilles et des branches prouva que les Hurons s’étaient séparés, et marchaient dans la forêt de divers côtés pour retrouver les traces qu’ils avaient perdues. Heureusement, la lune qui répandait un peu de clarté sur la petite clairière, était trop faible pour éclairer l’intérieur du bois, et l’intervalle que les voyageurs avaient traversé pour se rendre au vieux bâtiment était si court, que les sauvages ne purent distinguer aucune marque de leur passage, quoique, s’il eût fait jour, ils en eussent sûrement reconnu quelqu’une. Toutes leurs recherches furent donc inutiles.

Il ne se passa pourtant que quelques minutes avant qu’on entendît quelques sauvages s’approcher ; et il devint évident qu’ils n’étaient plus qu’à quelques pas de distance de la ceinture de jeunes châtaigniers qui entourait la clairière.

— Ils arrivent, dit Heyward en reculant d’un pas pour passer le bout du canon de son fusil entre deux troncs d’arbres ; faisons feu sur le premier qui se présentera.

— Gardez-vous-en bien, dit Œil-de-Faucon ; une amorce brûlée ferait tomber sur nous toute la bande comme une troupe de loups affamés. Si Dieu veut que nous combattions pour sauver nos chevelures, rapportez-vous-en à l’expérience d’hommes qui connaissent les manières des sauvages, et qui ne tournent pas souvent le dos quand ils les entendent pousser leurs cris de guerre.

Duncan jeta un regard derrière lui, et vit les deux sœurs tremblantes serrées l’une contre l’autre à l’extrémité la plus reculée du bâtiment ; tandis que les deux Mohicans, droits et fermes comme des pieux, se tenaient à l’ombre aux deux côtés de la porte, le fusil en main, et prêts à s’en servir dès que la circonstance l’exigerait. Réprimant son impétuosité, et décidé à attendre le signal de gens plus expérimentés dans ce genre de guerre, il se rapprocha de l’ouverture, pour voir ce qui se passait au dehors. Un grand Huron, armé d’un fusil et d’un tomahawk, entrait dans ce moment dans la clairière, et y avança de quelques pas. Tandis