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— C’est quelque animal de la forêt qui rôde pour trouver une proie, dit-il à voix basse, aussitôt que les sons encore éloignés qui avaient frappé les oreilles des Mohicans arrivèrent jusqu’aux siennes.

— Silence ! répondit le chasseur, c’est le pas de l’homme ; je le reconnais, quelque imparfaits que soient mes sens comparés à ceux d’un Indien. Le coquin de Huron qui nous a échappé aura rencontré quelque parti avancé des sauvages de l’armée de Montcalm ; ils auront trouvé notre piste, et l’auront suivie. Je ne me soucierais pas moi-même d’avoir encore une fois à répandre le sang humain en cet endroit, ajouta-t-il en jetant un regard inquiet sur les objets qui l’entouraient ; mais il faut ce qu’il faut. Uncas, conduisez les chevaux dans le fort, et vous, mes amis, entrez-y aussi. Tout vieux qu’il est, c’est une protection, et il a été accoutumé à entendre les coups de fusil.

On lui obéit sur-le-champ ; les deux Mohicans firent entrer les chevaux dans le vieux bâtiment ; toute la petite troupe les y suivit et y resta dans le plus profond silence.

Le bruit des pas de ceux qui approchaient se faisait alors entendre trop distinctement pour qu’on pût douter qu’il était produit par des hommes. Bientôt on entendit des voix de gens qui s’appelaient les uns les autres dans un dialecte indien, et le chasseur, approchant sa bouche de l’oreille d’Heyward, lui dit qu’il reconnaissait celui des Hurons. Quand ils arrivèrent à l’endroit où les chevaux étaient entrés dans les broussailles, il fut évident qu’ils se trouvaient en défaut, ayant perdu les traces qui les avaient dirigés jusqu’alors.

Il paraissait, par le nombre des voix, qu’une vingtaine d’hommes au moins étaient rassemblés en cet endroit, et que chacun donnait son avis en même temps sur la marche qu’il convenait de suivre.

— Les coquins connaissent notre faiblesse, dit Œil-de-Faucon qui était à côté d’Heyward, et qui regardait ainsi que lui à travers une fente entre les troncs d’arbre ; sans cela s’amuseraient-ils à bavarder inutilement comme des squaws ? Écoutez, on dirait que chacun d’eux a deux langues et n’a qu’une jambe !

Heyward, toujours brave et quelquefois même téméraire quand il s’agissait de combattre, ne put, dans ce moment d’inquiétude pénible, faire aucune réponse à son compagnon. Il serra seulement son fusil plus fortement, et appliqua l’œil contre l’ouverture