Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’attachés à ces arbres là-bas, pour y périr à la manière indienne.

— Notre salut est l’ouvrage de la Providence, s’écria Heyward ; c’est presque un miracle que vous ayez pris le bon chemin, car les Hurons s’étaient séparés en deux troupes, et chacune d’elles emmenait deux chevaux.

— Ah ! répliqua le chasseur du ton d’un homme qui se rappelle un grand embarras dans lequel il s’est trouvé, cette circonstance pouvait nous faire perdre la piste, et cependant nous nous décidâmes à marcher de ce côté, parce que nous jugeâmes, et avec raison, que ces bandits n’emmèneraient pas leurs prisonniers du côté du nord. Mais quand nous eûmes fait quelques milles sans trouver une seule branche cassée, comme je l’avais recommandé, le cœur commença à me manquer, d’autant plus que je remarquais que toutes les traces des pieds étaient marquées par des mocassins.

— Les Hurons avaient pris la précaution de nous chausser comme eux, dit Duncan en levant le pied pour montrer la chaussure indienne dont on l’avait garni.

— C’était une invention digne d’eux, mais nous avions trop d’expérience pour que cette ruse pût nous donner le change.

— Et à quelle circonstance sommes-nous redevables que vous ayez persisté à marcher sur la même route ?

— À une circonstance que devrait être honteux d’avouer un homme blanc qui n’a pas le moindre mélange de sang indien dans ses veines ; au jugement du jeune Mohican sur une chose que j’aurais dû connaître mieux que lui, et que j’ai encore peine à croire, à présent que j’en ai reconnu la vérité de mes propres yeux.

— Cela est extraordinaire ! Et ne me direz-vous pas quelle est cette circonstance ?

— Uncas fut assez hardi, répondit le chasseur en jetant un regard d’intérêt et de curiosité sur les chevaux des deux sœurs, pour nous assurer que les montures de ces dames plaçaient à terre en même temps les deux pieds du même côté, ce qui est contraire à l’allure de tous les animaux à quatre pieds ou à quatre pattes que j’aie connus, à l’exception de l’ours. Et cependant voilà deux chevaux qui marchent de cette manière, comme mes propres yeux viennent de le voir, et comme le prouvaient les traces que nous avons suivies pendant vingt longs milles.

— C’est un mérite particulier à ces animaux. Ils viennent des