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vement et sans donner aucun signe de vie. Le Mohican se releva aussitôt, et fit retentir les bois de son cri de triomphe.

— Victoire aux Delawares ! victoire aux Mohicans ! s’écria Œil-de-Faucon ; mais, ajouta-t-il aussitôt, un bon coup de crosse de fusil pour l’achever, donné par un homme dont le sang n’est pas mêlé, ne privera notre ami ni de l’honneur de la victoire, ni du droit qu’il a à la chevelure du vaincu.

Il leva son fusil en l’air pour en faire descendre la crosse sur la tête du Huron renversé ; mais au même instant le Renard-Subtil fit un mouvement soudain qui le rapprocha du bord de la montagne ; il se laissa glisser le long de la rampe, et disparut en moins d’une minute au milieu des buissons. Les deux Mohicans, qui avaient cru leur ennemi mort, restèrent un instant comme pétrifiés, et poussant ensuite un grand cri, ils se mirent à sa poursuite avec l’ardeur de deux lévriers qui sentent la piste du gibier ; mais le chasseur, dont les préjugés l’emportaient toujours sur son sentiment naturel de justice, en tout ce qui concernait les Mingos, les fit changer de dessein et les rappela sur la montagne.

— Laissez-le aller, leur dit-il ; où voudriez-vous le trouver ? il est déjà blotti dans quelque terrier. Il vient de prouver que ce n’est pas pour rien qu’on l’a nommé le Renard, le lâche trompeur qu’il est ! Un honnête Delaware, se voyant vaincu de franc jeu, se serait laissé donner le coup de grâce sans résistance ; mais ces brigands de Maquas tiennent à la vie comme des chats sauvages. Il faut les tuer deux fois avant d’être sûr qu’ils sont morts. — Laissez-le aller ! il est seul, il n’a ni fusil, ni tomahawk ; il est blessé, et il a du chemin à faire avant de rejoindre les Français ou ses camarades. C’est comme un serpent à qui on a arraché ses dents venimeuses ; il ne peut plus nous faire de mal, du moins jusqu’à ce que nous soyons en lieu de sûreté. — Mais voyez, Uncas, ajouta-t-il en delaware, voilà votre père qui fait déjà sa récolte de chevelures. Je crois qu’il serait bon de faire une ronde pour s’assurer que tous ces vagabonds sont bien morts ; car s’il leur prenait envie de se relever comme cet autre et d’aller le rejoindre, ce serait peut-être encore une besogne à recommencer.

Et à ces mots, l’honnête mais implacable chasseur alla visiter chacun des cinq cadavres étendus à peu de distance les uns des autres, les remuant avec le pied, et employant même la pointe de son couteau pour s’assurer qu’il n’existait plus en eux une étincelle