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furent tous deux renversés. Ils se relevèrent en même temps, combattirent avec une fureur égale, leur sang coula ; mais le combat fut bientôt terminé, car à l’instant où le couteau d’Uncas entrait dans le cœur du Huron, le tomahawk d’Heyward et la crosse du fusil du chasseur lui brisaient le crâne.

La lutte du Grand-Serpent avec le Renard-Subtil n’était point décidée ; et ces guerriers barbares prouvaient qu’ils méritaient bien les surnoms qui leur avaient été donnés. Après avoir été occupés quelque temps à porter et à parer des coups dirigés par une haine mutuelle contre la vie l’un de l’autre, ils se saisirent au corps, tombèrent tous deux, et continuèrent leur lutte par terre, entrelacés comme des serpents.

À l’instant où les autres combats venaient de se terminer, l’endroit où celui-ci se continuait encore ne pouvait se distinguer que par un nuage de poussière et de feuilles sèches qui s’en élevait, et qui semblait l’effet d’un tourbillon. Pressés par des motifs différents d’amour filial, d’amitié et de reconnaissance, Uncas, le chasseur et le major y coururent à la hâte pour porter du secours à leur compagnon. Mais en vain le couteau d’Uncas cherchait un passage pour percer le cœur de l’ennemi de son père ; en vain Œil-de-Faucon levait la crosse de son fusil pour la lui faire tomber sur la tête ; en vain Heyward épiait l’instant de pouvoir saisir un bras ou une jambe du Huron ; les mouvements convulsifs des deux combattants, couverts de sang et de poussière, étaient si rapides que leurs deux corps semblaient n’en former qu’un seul, et nul d’eux n’osait frapper, de peur de se tromper de victime, et de donner la mort à celui dont il voulait sauver la vie.

Il y avait des instants bien courts où l’on voyait briller les yeux féroces du Huron, comme ceux de l’animal fabuleux qu’on a nommé basilic, et à travers le tourbillon de poussière qui l’environnait, il pouvait lire dans les regards de ceux qui l’entouraient, qu’il n’avait ni merci ni pitié à attendre ; mais avant qu’on eût eu le temps de faire descendre sur lui le coup qu’on lui destinait, sa place était prise par le visage enflammé du Mohican. Le lieu du combat avait ainsi changé de place insensiblement, et il se passait alors presque à l’extrémité de la plate-forme qui couronnait la petite montagne. Enfin Chingachgook trouva le moyen de porter à son ennemi un coup du couteau dont il était armé, et à l’instant même Magua lâcha prise, poussa un profond soupir, et resta étendu sans mou-