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Sa voix alors se perdit au milieu des cris de rage qui s’élevèrent, comme si, au lieu de quelques Indiens, toute la peuplade eût été rassemblée sur le sommet de cette montagne.

Pendant que Magua prononçait ce discours, les infortunés qui y étaient le plus intéressés voyaient trop clairement sur les traits de ceux qui l’écoutaient le succès qu’il obtenait. Ils avaient répondu à son récit mélancolique par un cri d’affliction ; à sa peinture de leurs triomphes par des cris d’allégresse ; à ses éloges par des gestes qui les confirmaient. Quand il leur parla de courage, leurs regards s’animèrent d’un nouveau feu ; quand il fit allusion au mépris dont les accableraient les femmes de leur nation, ils baissèrent la tête sur leur poitrine ; mais dès qu’il eut prononcé le mot de vengeance, et qu’il leur eut fait sentir qu’elle était entre leurs mains, c’était toucher une corde qui ne manque jamais de vibrer dans le cœur d’un sauvage, toute la troupe poussa à l’instant des cris de rage, et les furieux coururent vers leurs prisonniers le couteau dans une main et le tomahawk levé dans l’autre.

Heyward les vit arriver, se précipita entre les deux sœurs et ces ennemis forcenés, et quoique sans armes, attaquant le premier avec toute la force que donne le désespoir, il réussit d’autant mieux à l’arrêter un instant, que le sauvage ne s’attendait pas à cette résistance. Cette circonstance donna le temps à Magua d’intervenir, et par ses cris, mais surtout par ses gestes, il parvint à fixer de nouveau sur lui l’attention de ses compagnons. Il était pourtant bien loin de céder à un mouvement de commisération ; car la nouvelle harangue qu’il prononça n’avait pour but que de les engager à ne point donner une mort si prompte à leurs victimes, et à prolonger leur agonie ; proposition qui fut accueillie par les acclamations d’une joie féroce, et qu’on se disposa à mettre à exécution sans plus de délai.

Deux guerriers robustes se précipitèrent en même temps sur Heyward, tandis qu’un autre s’avançait contre le maître en psalmodie, qui paraissait un adversaire moins redoutable. Cependant aucun des deux captifs ne céda à son sort sans une résistance vigoureuse, quoique inutile. David lui-même renversa le sauvage qui l’assaillait, et ce ne fut qu’après l’avoir dompté que les barbares, réunissant leurs efforts, triomphèrent enfin du major. On le lia avec des branches flexibles, et on l’attacha au tronc d’un sapin