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nation, vanta leurs exploits, leurs blessures, le nombre de chevelures qu’ils avaient enlevées, et n’oublia pas de faire l’éloge de ceux qui l’écoutaient. Toutes les fois qu’il en désignait un en particulier, on voyait les traits de celui-ci briller de fierté, et il n’hésitait pas à confirmer par ses gestes et ses applaudissements la justice des louanges qui lui étaient accordées.

Quittant alors l’accent animé et presque triomphant qu’il avait pris pour énumérer leurs anciens combats et toutes leurs victoires, il baissa le ton pour décrire plus simplement la cataracte du Glenn, la position inaccessible de la petite île, ses rochers, ses cavernes, sa double chute d’eau. Il prononça le nom de la Longue-carabine, et s’interrompit jusqu’à ce que le dernier écho eût répété les longs hurlements qui suivirent ce mot. Il montra du doigt le jeune guerrier anglais captif, et décrivit la mort du vaillant Huron qui avait été précipité dans un abîme en combattant avec lui. Il peignit ensuite la mort de celui qui, suspendu entre le ciel et la terre, avait offert un si horrible spectacle pendant quelques instants, en appuyant sur son courage et sur la perte qu’avait faite leur nation par la mort d’un guerrier si intrépide. Il donna de semblables éloges à tous ceux qui avaient péri dans l’attaque de l’île, et toucha son épaule pour montrer la blessure qu’il avait lui-même reçue.

Lorsqu’il eut fini ce récit des événements récents qui venaient de se passer, sa voix prit un accent guttural, doux, plaintif, et il parla des femmes et des enfants de ceux qui avaient perdu la vie, de l’abandon dans lequel ils allaient se trouver, de la misère à laquelle ils seraient réduits, de l’affliction à laquelle ils étaient condamnés, et de la vengeance qui leur était due.

Alors, rendant tout à coup à sa voix toute son étendue, il s’écria avec énergie : — Les Hurons sont-ils des chiens, pour supporter de pareilles choses ! Qui ira dire à la femme de Menowgua que les poissons dévorent son corps, et que sa nation n’en a pas tiré vengeance — ? Qui osera se présenter devant la mère de Wassawattimie, cette femme si fière, avec des mains qui ne seront pas teintes de sang ? Que répondrons-nous aux vieillards qui nous demanderont combien nous rapportons de chevelures, quand nous n’en aurons pas une seule à leur faire voir ? Toutes les femmes nous montreront au doigt. Il y aurait une tache noire sur le nom des Hurons, et il faut du sang pour l’effacer.