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laquelle il avait toujours eu les yeux fixés sur les deux interlocuteurs. Mais ils étaient déjà à deux pas d’Alice, et Cora, craignant d’augmenter encore ses alarmes, évita de répondre directement à cette question, et ne montra qu’elle n’avait obtenu aucun succès que par ses traits pâles et défaits, et par les regards inquiets qu’elle jetait sans cesse sur leurs gardiens.

Sa sœur lui demanda à son tour si elle savait du moins à quel sort elles étaient réservées ; mais elle n’y répondit qu’en étendant un bras vers le groupe de sauvages, et en s’écriant avec une agitation dont elle ne fut pas maîtresse, tandis qu’elle pressait Alice contre son sein :

— Là ! là ! — Lisez notre destin sur leurs visages ! — Ne l’y voyez-vous pas ?

Ce geste et sa voix entrecoupée firent encore plus d’impression que ses paroles sur ceux qui l’écoutaient, et tous leurs regards furent bientôt fixés sur le point où les siens étaient arrêtés avec une attention qu’un moment si critique ne justifiait que trop.

Quand Magua fut arrivé près des sauvages qui étaient étendus par terre avec une sorte d’indolence brutale, il commença à les haranguer avec le ton de dignité d’un chef indien. Dès les premiers mots qu’il prononça, ses auditeurs se levèrent, et prirent une attitude d’attention respectueuse. Comme il parlait sa langue naturelle, les prisonniers, quoique la vigilance des Indiens ne leur eût pas permis de se placer à une grande distance, ne pouvaient que former des conjectures sur ce qu’il leur disait, d’après les inflexions de sa voix et la nature des gestes expressifs qui accompagnent toujours l’éloquence d’un sauvage.

D’abord le langage et les gestes de Magua parurent calmes. Lorsqu’il eut suffisamment éveillé l’attention de ses compagnons, il avança si souvent la main dans la direction des grands lacs, qu’Édouard fut porté à en conclure qu’il leur parlait du pays de leurs pères et de leur peuplade éloignée. Les auditeurs laissaient échapper de temps en temps une exclamation qui paraissait une manière d’applaudir, et ils se regardaient les uns les autres comme pour faire l’éloge de l’orateur.

Le Renard était trop habile pour ne pas profiter de cet avantage. Il leur parla de la route longue et pénible qu’ils avaient faite en quittant leurs bois et leurs wigwams pour venir combattre les ennemis de leurs pères du Canada. Il rappela les guerriers de leur