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— Quand Magua quitta sa peuplade, sa femme fut donnée à un autre chef. Maintenant il a fait la paix avec les Hurons, et il va retourner près de la sépulture de ses pères, sur les bords du grand lac. Que la fille du chef anglais consente à le suivre et à habiter pour toujours son wigwam.

Quelque révoltante qu’une telle proposition pût être pour Cora, elle conserva pourtant encore assez d’empire sur elle-même pour y répondre sans montrer la moindre faiblesse.

— Et quel plaisir pourrait trouver Magua à partager son wigwam avec une femme qu’il n’aime point, avec une femme d’une nation et d’une couleur différentes de la sienne ? Il vaut mieux qu’il accepte l’or de Munro, et qu’il achète par sa générosité la main et le cœur de quelque jeune Huronne.

L’Indien resta près d’une minute sans lui répondre ; mais ses regards farouches se fixèrent sur elle avec une expression telle qu’elle baissa les yeux, et redouta quelque proposition d’une nature encore plus horrible. Enfin Magua reprit la parole, et lui dit avec le ton de l’ironie la plus insultante :

— Lorsque les coups de verges tombaient sur le dos du chef huron, il savait déjà où trouver la femme qui en supporterait la souffrance. Quel plaisir pour Magua de voir tous les jours la fille de Munro porter son eau, semer et récolter son grain, et faire cuire sa venaison ! Le corps de la tête grise pourra dormir au milieu de ses canons ; mais son esprit : ha ! ha ! le Renard-Subtil le tiendra sous son couteau.

— Monstre ! s’écria Cora dans un transport d’indignation causé par l’amour filial, tu mérites bien le nom qui t’a été donné ! Un démon seul pouvait imaginer une vengeance si atroce ! Mais tu t’exagères ton pouvoir. Tu verras que c’est véritablement l’esprit de Munro que tu as entre tes mains, et il défie ta méchanceté !

Le Huron répondit à cet élan de sensibilité par un sourire de dédain qui prouvait que sa résolution était inaltérable, et il lui fit signe de se retirer, comme pour lui dire que la conférence était finie.

Cora, regrettant presque le mouvement de vivacité auquel elle s’était laissé entraîner, fut obligée de lui obéir ; car Magua l’avait déjà quittée pour aller rejoindre ses compagnons, qui finissaient leur dégoûtant repas. Heyward courut à la rencontre de la sœur d’Alice, et lui demanda le résultat d’une conversation pendant